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HISTOIRE - Page 21

  • La toilette de Guillaume

    On ne s'agit pas là ni de l'hygiène corporelle du duc de Normandie ni de ses choix vestimentaires mais de la "broderie de Bayeux" ou « tapisserie de la reine Mathilde » dont on sait par l'historien et archiviste Antoine Lancelot (1675-1740) que les chanoines de la cathédrale la nommait à l'époque « Telle du Conquest » (toile de la Conquête), « toilette de Saint-Jean » ou «toilette du duc Guillaume », le mot « toilette » désignant une simple toile fine.

    Ce que l'on sait moins c'est que cette broderie datant de la fin du XIe siècle et racontant en images les circonstances du débarquement des Normands en Angleterre et la bataille d’Hastings (1066) n'est mentionnée pour la toute première fois qu'au XVe siècle, sur l'inventaire manuscrit des trésors de la Cathédrale de Notre-Dame de Bayeux (Manche) de l'an 1476.

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    Il y est indiqué que ladite broderie était accrochée dans la nef « le jour et par les octaves des reliques », c'est-à-dire le jour de la fête des Reliques et pendant son octave. La fête des Reliques était alors célébrée le 1er juillet. La Tapisserie était donc probablement tendue du 1er au 8 juillet.

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    Cathédrale Notre-Dame de Bayeux (Manche)

    Et à part cela, rien... Jusqu'à ce que, trois siècles plus tard , Nicolas Joseph Foucault (1643-1721), intendant de la généralité de Caen de 1689 à 1706, la redécouvre roulée dans une des chapelles latérale de la cathédrale. Il en fait réaliser un croquis dépourvu d'indications, lequel, après sa mort, attise toutefois la curiosité d'Antoine Lancelot (1675-1740), Inspecteur au Collège royal et Commissaire au Trésor des chartes, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce dernier, convaincu que le dessin n'est qu'une partie d'une œuvre de grande taille, fait appel à Bernard de Montfaucon (1655–1741), historien et bénédictin, qui, en octobre 1728, retrouve sa trace. L'année suivante, il publie le dessin de l'entièreté de la tapisserie qu'il attribue à la reine Mathilde dans son ouvrage « Les monumens de la monarchie françoise ».

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    Malgré tout, en 1752, quand le libraire-antiquaire anglais Andrew Coltee Ducarel (1713-1785) se présente un jour à Bayeux dans le but d'admirer l'ouvrage relatant la conquête de l'Angleterre, il constate avec stupéfaction que nul n'en connaît ni son contenu ni son sens : «  Les prêtres de la cathédrale auxquels je me suis adressé pour voir cette broderie remarquable par son antiquité n'en avaient aucune connaissance : la circonstance seule de son exposition annuelle dans la cathédrale leur fit comprendre ce que je désirais ; mais personne ne se doutait que l'objet de mes recherches avait quelque rapport avec Guillaume le Conquérant. »

    Conservée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle dans le trésor liturgique de la cathédrale, la tapisserie de Bayeux va échapper de peu à la destruction lors de la Révolution française soit découpée pour couvrir un chariot militaire ou transformée en bandes destinées pour décorer un char d'une fête civique.

    Classée au titre des monuments historiques en 1840, ce n'est que deux ans plus tard que le public sera enfin autorisé à la découvrir. Elle est depuis 1983 hébergée au centre Guillaume-le-Conquérant de Bayeux qui lui est entièrement dédié. En 2007, elle a fait l'objet d'une inscription au registre international Mémoire du monde par l'Unesco.

  • Quand la Seine jouait au facteur...

    Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. 14 mois plus tard, le 19 septembre 1871, les Allemands encerclent Paris. La ville est coupée du reste du monde.

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    Boule de Moulins conservée au Musée de la Poste

    Afin que le courrier continue d'être acheminé entre la Province et la capitale, divers moyens de communication vont être employés. Cela va de la construction de petits aérostats, des ballons chargés uniquement de lettres que le vent emporte au-delà des lignes ennemies, au ballon-poste monté où aérostiers et passagers se côtoient. Certains s'égareront tandis que d'autres disparaîtront corps et biens. A l'instar de ces pigeons-voyageurs porteurs de microphotographies et qui vont perdre la vie en tentant de regagner, lestés de leur précieux chargement, leur colombier parisien.

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    La plus originale des tentatives est sûrement l'emploi des "boules de Moulins". Elles portent le nom de la ville où est alors centralisé le courrier à destination de Paris. L'idée des ingénieurs qui les ont conçues, Messieurs Delort, Robert et Vonove, est d'utiliser, selon le principe de la bouteille à la mer, le courant de la Seine. Ils mettent au point des sortes de cylindres en tôle de zinc, d'une longueur de 20 cm pour un diamètre de 12 cm et d'un poids à vide d'un peu plus de 2 kg. Munis d'ailettes destinées à les faire tourner sur eux-mêmes dans le courant du fleuve, les "boules de Moulins" sont immergées après avoir été remplies de quelques centaines de lettres.

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    Afin de déjouer la surveillance des assiégeants et les dispositifs qu'ils ont installés pour barrer la Seine, il est impératif que ces "boules de Moulins" ne flottent pas en surface ni même entre deux eaux mais qu'elles descendent le courant en roulant sur le fond. Mises à l'eau en amont de la capitale, au niveau du département de la Seine-et-Marne, depuis Bray-sur-Seine jusqu'à Samois-sur-Seine, entraînées par le courant du fleuve, elles devaient être récupérées derrière les lignes ennemies, au niveau du Port à l'Anglais à Alfortville (Val-de-Marne) grâce à un filet tendu en travers du cours du fleuve,

    Hélas, aucune des 55 boules envoyées du 4 au 29 janvier 1871, date à laquelle le service fut interrompu, ne fut repêchée ! Probablement ont-elles été envasées, arrêtées par des obstacles ou sont-elles passées au travers des filets...

    Certaines d'entre-elles, entre 25 et 30, vont être retrouvées après la fin du siège : la première en mars 1871 aux Andelys (Eure) et les deux dernières en 1982 et 1988 à Vatteville-la-Rue (76). A chaque fois, selon le principe que le courrier confié à la poste doit arriver coûte que coûte et sans limite de temps, l'administration postale s'est employée à remettre les missives que ces boules contenaient aux descendants des destinataires d'origine.

     

  • Une fille de Napoléon inhumée en Normandie 

    Saviez-vous qu'une fille de Napoléon repose en terre normande ? Elle s'appelait Geneviève Napoléon Lamache. Elle était née à Clitourps, près de Cherbourg dans le Département de la Manche, le 12 nivôse an X (2 janvier 1802).

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    Son père, Martin Lamarche avait perdu la vie à l'âge de 25 ans bien loin de là, à Brünn (Actuelle République Tchèque), des suites de ses blessures. Soldat de la Grande Armée, Caporal appartenant au 40e Régiment d’infanterie de ligne, il combattait sous les ordres de l'Empereur lors de la terrible bataille d'Austerlitz du 2 décembre 1805. Une victoire française magnifique contre la coalition austro-russe, mais une victoire qui s'est écrite en lettres de sang : 9 heures de combats acharnés qui vont faire du seul côté français 1537 morts et 6943 blessés.

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    À chaque blessé, Napoléon offre 3 napoléons d’or (60 francs), de 500 à 2 000 francs aux officiers selon leur grade et 3 000 francs aux généraux.

    En sus, le 16 frimaire an XIV (7 décembre 1805), l'Empereur des Français décrète non seulement que les veuves des officiers et soldats toucheront une pension mais qu'il adopte tous les enfants des généraux, officiers et soldats français morts à Austerlitz et qu'ils seront entretenus et élevés aux frais de l'État, les garçons au château de Rambouillet et les filles au château de Saint-Germain, l’un et l’autre devenus « Palais Impériaux ».

    En fait, si les veuves reçurent effectivement des pensions variant selon le grade du mari, Napoléon renonça à l’adoption de tous les enfants d’Austerlitz, se contentant de leur faire attribuer une dotation qui était fonction du grade paternel et de les autoriser à adjoindre son prénom à celui de leur baptême.

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    «Ici repose Geneviève Napoléon LAMACHE orpheline d'Austerlitz fille adoptive de l'Empereur NAPOLÉON Épouse de Pierre Barnabé LEBREQUIER maire de CARNEVILLE décédée le 23 janvier 1842 à l'âge de 40 ans et 21 jours Bonne épouse tendre et sensible mère, amie sincère aimant l'ordre et le travail et n'ayant jamais cessé d'en donner l'exemple jusqu'à ses derniers moments Digne épouse et mère Repose en paix »

    C'est ainsi que Geneviève devient fille de l'Empereur. L'épouse du maire de Carneville (Manche), Pierre Barnabé Lebrequier, décède le 23 janvier 1842 dans le village de son mari où elle a mis au monde ses trois enfants et où elle va être inhumée.

     

     

    Biblio. « Normandie insolite et secrète » de J;-C. Collet et A. Joubert – Ed. Jonglez, 2013.