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HISTOIRE - Page 24

  • L'odontologie judiciaire née d'une tragédie...

    Paris. 4 mai 1897. En cet après-midi de Printemps, le « tout-Paris » se presse au cœur du 8ème arrondissement, au niveau des numéros 15 et 17 de la rue Jean Goujon, pour assister à la treizième édition du « Bazar de la Charité », un événement caritatif et mondain, la vente d'objets d’arts, de bibelots, tableaux, bijoux, livres,... au bénéfice aux plus déshérités.

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    Le Bazar de la Charité avant l'incendie. Illustration tirée du Supplément illustré du Petit Journal du 16 mai 1897

    Pour l'abriter, on a construit un immense hangar en pitchpin, couvert d'un velum goudronné. A l'intérieur, une longue galerie en bois à laquelle on a donné les apparences d'une rue du Moyen-âge. A chaque extrémité, une porte à double-battant ouvre sur une vaste allée centrale bordée le long des murs de comptoirs en bois portant des noms évocateurs comme « À la tour de Nesle », « Au lion d’or » ou « Au chat botté ». Chacun d'eux sont tenus par une dizaine de dames de la plus haute aristocratie ou de la très grande bourgeoisie. A l'arrière du hangar, dans une petite cour intérieure cernée de hauts murs, un petit appentis abrite l'attraction principale de l’événement, le cinématographe. Pour quelques centimes, les visiteurs pourront y admirer les premières images animées des frères Lumière comme «  La Sortie de l'usine Lumière à Lyon », « L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat » et « L'Arroseur arrosé ».

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    Il est 16 heures 15 ce jour-là, lorsque le projectionniste, dans la presque obscurité de son local, débouche une bonbonne d'éther afin de remplir le réservoir de sa lampe à projection. Pour lui venir en aide, son assistant craque une allumette. Aussitôt les vapeurs d'éther s'enflamment, le velum prend feu et les flammes se propagent dans tout le bâtiment à la vitesse de l'éclair ! C'est très vite la panique générale. Environ un millier de personnes, principalement des femmes, se bousculent pour échapper à la fournaise. En un quart d'heure à peine, tout est consumé : le hangar n’offre plus l’aspect que d’un amoncellement de poutres de bois calcinées. Au sol, git plus d'une centaine de cadavres atrocement mutilés et carbonisés.

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    Sophie-Charlotte en Bavière, duchesse d'Alençon (1847-1897)

    Le lendemain, une trentaine d'entre-eux restent encore à identifier. Parmi eux, celui de Sophie Charlotte de Bavière, Altesse Royale, duchesse d'Alençon. Membre de la Maison royale de Bavière, sœur de Sissi, l'impératrice d'Autriche et de l'ex-reine des Deux-Siciles, petite-fille par alliance du roi des Français, Louis-Philippe Ier , qui était l'invitée d'honneur du Bazar. Sollicité, le Dr Isaac Davenport, son dentiste, arrive avec sa fiche dentaire où sont notées ses 17 consultations échelonnées sur deux années, la dernière ayant eu lieu le 15 décembre 1897. Il identifie son corps et son procès-verbal est avalisé par la justice. C’est une première en France qui signe la naissance de l'odontologie judiciaire.

    A noter que la Duchesse d'Alençon a fait preuve d'une maîtrise de soi et d'une dignité sans égale. Sur place, elle a organisé la sortie des plus plus jeunes, des clientes et de ses vendeuse. Quand enfin elle se dirige vers la sortie principale où son mari l’aperçoit pour la dernière fois, le chemin est si encombré qu'il en est impraticable. A une religieuse venue s'effondrer à ses pieds en lui disant  : “Ô Madame, quelle mort !”, elle lui répond : “Oui, mais dans quelques minutes, pensez que nous verrons Dieu !”

     

     

    Biblio. «  Petit étalage de morts stupides » de A. Novarino-Pothier -Ed. De Borée, 2020.

    Merci au site www.histoire-medecine.fr/histoire-odontologie-medico-legale

  • Quand l'embaumement était affaire de cuisiniers...

    A la mort de Charles IX (1550-1574), le 30 mai 1574, et suite aux rumeurs d'empoisonnement qui circulaient à la cour, pour la première fois dans l'histoire de la monarchie française, on va autopsier le corps du roi. Dès lors, cette pratique sera généralisée à tous les souverains défunts dans le but bien sûr de confirmer les causes du décès mais surtout de lever les doutes quant à une suspicion d'assassinat.

    En ce qui concerne Charles IX, c'est Ambroise Paré (1509-1590), son médecin-chirurgien personnel, qui en est chargé. Les médecins-chirurgiens royaux demeuraient libres de ne décrire que ce qui leur semblait nécessaire, et bien sûr, de couvrir au passage d'éventuels agissement criminels... Aussi, à partir du décès du roi Louis XIII (1601-1643), le 14 mai 1643, ce "privilège" d'ouverture du corps, va être confié au doyen et aux membres de la Faculté de médecine de Paris.

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    Le reliquaire du cœur d'Anne de Bretagne (1477-1514)

    Comme au Royaume de France, depuis le règne de Louis VIII (1187-1226) , corps et cœur de souverain font tombeaux à part, lors de l'autopsie, le praticien prélève, à mains nues mais avec soin, divers organes, lesquels, à posteriori, seront "offerts" en témoignage d'estime et selon les volontés du défunt, à des congrégations religieuses. Ainsi, si le corps de Charles V (1338-1380), roi de France et Duc de Normandie, qui rendit son âme à Dieu le 16 septembre 1380, a bien été déposé à l'abbaye royale de Saint-Denis, son cœur quant à lui repose à la Cathédrale Notre-Dame de Rouen, où il se trouve toujours, dans une petite niche de la crypte protégée par une grille.

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    Niche de la crypte de la Cathédrale Notre-Dame de Rouen où repose le cœur de Charles V (1338-1380)

    Après l'autopsie et le prélèvement d'organes, on procédait à l'embaumement du corps du roi, étape essentielle du processus mortuaire. Sa finalité était très simple : retarder la décomposition du corps et permettre l’hommage des sujets à leur défunt souverain. Durant tout le temps de la veillée funèbre et jusqu'aux funérailles proprement dites, une multitude de courtisans et de visiteurs viendront s'incliner devant sa dépouille. Celle-ci nécessite un traitement minutieux destiné à maintenir l’aspect du corps mais aussi à limiter l'émanation d’odeurs insupportables. La technique d'embaumement n'a pas changé depuis Philippe le Bel (1258-1314)! Après l’extraction des viscères (abdomen, thorax et crâne), placées dans un baril de plomb, les cavités du corps sont remplies d'étoupes et de poudre d'herbes odoriférantes et dessiccatives (asséchantes), avant fermeture, bandelettage et dépôt dans deux cercueils, de plomb et de bois. Pour l'embaumement du corps du Roi Louis XIV, pas moins de vingt-cinq végétaux différents seront utilisés. Feuilles de laurier et de rue, myrte, romarin, sauge, baume, absinthe, marjolaine, hysope, thym, serpolet, basilic, mais aussi racines d'iris, d'angélique, de flambe, de calamus aromaticus, sans oublier les fleurs de roses, de camomille, de melilot, de lavande, les écorces de citrons et d'oranges, les semences d'anis, de fenouil, de coriandre et de cumin...

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    Matériel d'autopsie du Corps du Roi Louis XIV

    Les premiers embaumements, du VIe au XIe siècle, étaient l'affaire des cuisiniers. Ils avaient non seulement l'habitude d'ouvrir les corps morts mais connaissaient mieux que d'autres les aromates, produits et techniques déshydratants destinés à parfumer, farcir et dessécher les viandes. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que l'embaumement fut confié aux chirurgiens, lesquels, laissèrent à leur tour leur place, dès le second tiers du XIXe siècle, aux chimistes et apothicaires. Avec eux, l'usage des conservateurs naturels ou artificiels, principalement fondés sur l'alcool et les métaux lourds, comme l'arsenic, le mercure ou le plomb, va se généraliser. Par bien des aspects, les actuels thanatopracteurs sont la continuité de ce dernier corps de métier, dont la légitimité s'est d'ailleurs assise sur les soins prodigués aux derniers souverains français, de Louis XVIII à Napoléon III.

     

    Biblio."Autopsie des morts célèbres" de Ph. Charlier et D. Alliot -Ed. Tallandier, 2019.

  • La Gazette des atours de Marie-Antoinette

    Regardez bien ce cahier ! Avec un corsage en taffetas de soie bleu pâle et une robe de satin blanc brodé de perles et draperies, il est tout ce qui reste de l'immense garde-robe de l'infortunée Marie-Antoinette (1755-1793).

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    272 pages de format in-quarto recouvertes d'un parchemin vert sur lequel est écrit "Madame la Comtesse d'Ossun, Garde-Robe des Atours de la reine, Gazette pour l'année 1782."Dans les pages de ce cahier, conservé aux Archives nationales, de petits bouts de tissus aux couleurs variées, en majorité unis ou rayés, de simples échantillons des pièces de soie et de toile avec lesquelles étaient confectionnées les très jolies robes choisies par la reine pour la seule année 1782. Car cette "Gazette des atours" n'est en fait qu'un document comptable. Il est tenu par Geneviève de Gramont, Comtesse d'Ossun (1751-1794), nommée en 1781 dame d'atours de la Reine avec pour mission "impossible" de freiner les dépenses de garde-robe de celle-ci. À l'aide de ce cahier, la comtesse surveillait étroitement non seulement la livraison des robes mais le montant de chaque facture, notamment celles de la modiste, Rose Bertin (1747-1813), couturière préférée de Marie-Antoinette, qui en profitait largement pour pratiquer les prix les plus chers du marché.

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    Trois fois par an, la Reine lui commandait pas moins de "douze grands habits de cour", "douze petites robes dites de fantaisie", " douze robes riches sur panier pour le jeu ou le souper des petits appartements". A cela s'ajoutaient toutes sortes de jupons, collerettes, manchettes, coques, chemises, bas de soie, fourrures, souliers, chapeaux et accessoires en tout genre qui explosaient le budget alloué aux dépenses de représentation de sa majesté. Mais ce que Reine veut, le roi le veut ! Louis XVI (1754-1793) cédait toujours aux caprices de son épouse. Et peu importe le trou abyssal creusé par ces dépenses dans le budget du royaume et l'exaspération montante du peuple qu'on refuse d'entendre !

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    Le 16 octobre 1793, la reine est guillotinée. Malgré ses efforts pour réduire les dépenses de la garde-robe de sa majesté, la Comtesse d'Ossun sera conduite elle aussi à l'échafaud le 26 juillet 1794. Seule "la ministre de la Mode", Mademoiselle Bertin aura la vie sauve : elle émigre en Angleterre après avoir brûlé tous ses livres de caisses et ses factures et revient ensuite finir ses jours en France où elle s'éteint le 21 septembre 1813.