La dictée de ses dernières volontés, parfois sur son lit de mort, ou la rédaction autographe d'un testament ou de codicilles se prête à la mise en ordre des affaires de toute une vie. Sous l'Ancien régime, où la filiation juridique et le droit à la succession n'était créé que par le mariage ou éventuellement l'adoption, c'était souvent l'occasion de révéler l'existence d'enfants naturels...
Testament olographe de Vauban daté du 23 mars 1702
Tel fut le cas du « dispositif secret » de Vauban (1633-1707), Maréchal de France. Un document rédigé le 23 mars 1702 dans lequel il reconnaît cinq enfants naturels conçus au cours de ses nombreux voyages dans les provinces du Royaume.
Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban - Tableau attribué à une école de peinture du XVIIIe siècle
Durant toute sa vie, Vauban a tant multiplié les aventures féminines qu'il pouvait difficilement contredire les femmes qui assuraient avoir eu un enfant de lui. C'est pourquoi, par ce codicille, il demandait au sieur Friand, son fidèle secrétaire, de rechercher après sa mort les femmes qui pourraient prétendre avoir été engrossées par lui afin de leur donner deux mille livres à chacune, "sauf s'il se trouve que quelqu'un de ces enfants soient morts", auquel cas "il ne sera pas obligé de faire gratifications aux mères", car, avait-il pris soin de préciser, "je les ai assez bien payées pour n'avoir pas de scrupule à leur égard".
Et, pour aider le sieur Friand, il citait l'identité de cinq de ses femmes :
— Mlle Baltasar, une jeune veuve de Bergues, "avec qui [il] a eu très peu de commerce et qui, cependant, prétend avoir un enfant de [lui], ce qu'elle lui a affirmé avec de grands serments";
— Mlle Poussin, de Paris, "avec qui il a eu commerce seize ou dix-sept ans avant [la rédaction du testament], et très rarement ; elle prétend avoir eu un garçon de [lui], pour lequel elle [l'] importune souvent » ; ;
— Mme de la Motte, fille, à ce qu’elle dit, d'un comte de Burquoy "bien qu'[il] doute fort de la vérité de ses serments les plus forts" selon lesquels elle a eu un enfant de lui; "le hasard a voulu qu' [il] ait eu commerce avec elle... et il ne laisse pas de penser que ce pourrait être véritable";
— Mlle Baussant, de Paris également, "qui se prétend être grosse de [son] fait";
— "Une pauvre dame irlandaise nommée Madame Dietrich"; bien qu'il y ait lieu de douter qu'elle ait eu un enfant de lui, il ne veut pas hasarder "le salut de [son] âme" pour cela.
La marquise de Montespan et ses enfants par Pierre Mignard
Une démarche honorable mais surprenante de la part d'un homme qui s'était indigné de la légitimation par le roi Louis XIV (1638-1715) de deux enfants naturels fruits de sa liaison avec Madame de Montespan (1640-1707), les Duc de Maine (1670-1736) et le Comte de Toulouse (1678-1737). Un acte qu'il jugeait en totale violation avec le principe d'indisponibilité inhérent au statut de la Couronne de France. Vauban reprochait en outre au roi de rendre ostensiblement publiques des affaires qui auraient dû rester cachées car peu avouables : "C'est à proprement parler couronner le vice et en faire parade que de donner tant d'éclat à des naissances que la religion et la bienséance voudraient qu'on tînt cachées".