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  • Allons, finissons-en, Charles attend !

    16 septembre 1824, 4 heures du matin. A Paris, Palais des Tuileries. Le roi Louis XVIII (1755-1824) vient de trépasser dans d'atroces douleurs âgé seulement de soixante neuf ans et alors qu'il n'est sur le trône de France que depuis dix ans. Petit-fils du roi Louis XV (1710-1774) et frère du roi Louis XVI (1754-1793), c'est un homme spirituel, très cultivé voire érudit, à la conversation brillante et un amateur de traits d'esprit.

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    Diabétique depuis ses plus jeunes années, victime de crises de goutte répétées, son état physique général est déjà très dégradé quand il devient roi. Atteint d'une malformation congénitale des hanches qui entrave sa mobilité, sa boulimie et son appétit pantagruélique lui valent un embonpoint qui complique encore davantage ses déplacements à tel point que non seulement il ne peut plus monter à cheval depuis de nombreuses années mais qu'il est contraint de s'aider de béquilles pour marcher avant de devenir, selon ses propres mots, « le roi fauteuil ».

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    Souffrant le martyre dans un corps plus vieux que son âge, incapable de tenir une simple plume pour écrire, il a pourtant fait sien l'adage Vespasien « Opportet imperatorem stantem mori », c'est-à-dire « Il faut que l'empereur meure debout » et luttera jusqu'au bout pour honorer ses obligations.

    Le 25 août 1824 à Paris, c'est son ultime apparition en public. Vêtu de son bel uniforme brodé paré de toutes ses décorations, il préside les fêtes traditionnelles de la Saint Louis et chacun doit voir qu'il est toujours le roi ! Pourtant, quelques jours plus tard, le 12 septembre 1824, il est contraint de s’aliter et entre en agonie atteint d'artériosclérose généralisée et victime d'une gangrène dévastatrice et galopante, du pied et de la colonne vertébrale.

    Entre le 13 et le 15 septembre, il prend congé des membres de sa famille. Bien sûr, les dignitaires de la Couronne, les officiers, les courtisans, réunis dans les salons voisins, s'interrogent sur l'absence de testament royal. Mais Louis XVIII n'a jamais voulu en rédiger, peut-être par superstition. A présent, il est trop tard, le roi a reçu les derniers sacrements du grand aumônier de France, Monseigneur de Croÿ, archevêque de Rouen

    Avant de mourir, il aurait prononcé cette phrase « Allons, finissons-en, Charles attend. » Était-elle destinée à son successeur et frère, le futur Charles X (1757-1836), impatient de régner à sa place, ou à ses médecins ?  De toute façon, c'était peu flatteur ni pour l'un ni pour les autres !

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    Le 25 octobre 1824, le dernier monarque de France mort au pouvoir est inhumé dans la basilique de Saint-Denis.

     

  • Les hochets de Napoléon

    Après la Légion d’honneur créée le le 29 floréal An X (19 mai 1802) destinée à récompenser les exploits militaires et civils, Napoléon (1769-1821) réfléchit à la manière de commémorer le jour anniversaire du fameux coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799). Une journée qui marque la fin du Directoire et de la Révolution française et la mise en place d'un nouveau régime, le Consulat.

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    « Les Romains disait-il décernaient en récompense toutes sortes de distinctions (…) Je défie qu'on me montre une république ancienne ou moderne dans laquelle il n'y ait pas eu de distinctions. On appelle cela des hochets ! Eh bien ! C'est avec des hochets que l'on mène les hommes. »

    Par décret le 11 septembre 1804, il décide donc d'instituer « les prix décennaux » destinés aux « artistes, auteurs, savants et inventeurs qui auront le plus participé à l’éclat des sciences, des lettres et des arts ».

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    Une stratégie de génie qui lui permet de faire d'une pierre deux coups ! Non seulement, c'est une façon de glorifier son pouvoir mais surtout il crée une diversion en donnant aux gens de Lettres qui le prennent trop souvent pour cible à son goût d'autres motifs d'indignation que sa propre personne.

    Et ça marche ! Occupés à conquérir ces nouvelles dignités, les esprits cultivés s'avilissent en rivalités et en invectives afin d'abattre collègues et concurrents.

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    Louis-Antoine Bougainville (1729-1811)

    Succès politique mais spectacle bien pathétique pour Louis-Antoine Bougainville (1729-1811), le célèbre navigateur, qui ne pourra s’empêcher de faire remarquer à l'empereur : « Sire, autrefois on faisait se battre les bêtes pour amuser les gens d'esprit, et aujourd'hui ont fait se battre les gens d'esprit pour amuser les bêtes. »

    En novembre 1809, Napoléon qui entre temps à porté à trente-cinq le nombre de prix, dont neuf de première classe, charge les présidents et secrétaires perpétuels de l’Institut de France de choisir puis de juger les réalisations les plus remarquables de la première décennie de son gouvernement. Leurs rapports doivent ensuite être soumis aux quatre classes de l’Institut pour une première cérémonie de remise des prix prévue pour le 9 novembre 1810.

    Si le choix des prix scientifiques ne pose pas de difficultés, il en est autrement pour les prix artistiques, notamment pour les arts plastiques. Comme il n'approuve pas la sélection qui lui est proposée et qu'il n’arrive pas à rallier à son point de vue les membres de l'Institut, il décide tout simplement de reporter « sine die » ladite remise des récompenses.

  • Une bouchée à la reconquête d'un roi

    5 Septembre 1725, le jeune roi Louis XV (1710-774) épouse à Fontainebleau Maria Leszczynska (1703-1768). Cette jeune princesse, de sept ans son aînée, fille de l'ex-roi de Pologne Stanislas 1er (1677-1766), régnera sur le royaume de France pendant 43 ans. C'est là le plus long règne d'une reine de notre pays. À l’écart des affaires, peu considérée par la Cour, elle laisse le souvenir d'une « bonne reine », douce et dévote, très investie dans les œuvres de bienfaisance. Des qualités de cœurs qui lui vaudront d'être épargnée des libelles et autres calomnies dont furent victimes d'autres reines de France...

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    Au cours des dix premières années de mariage, elle va donner 10 enfants à son fougueux royal époux. Mais le ciel d'azur finit par s'assombrir. Après la naissance de sa dernière fille, le 15 juillet 1767, prématurément usée par ses accouchements à répétition, elle est délaissée par un mari qui s'entoure de son côté de fort jolies et jeunes femmes de la cour !

    Désireuse de reconquérir ses faveurs, la reine va encourager la gourmandise du roi en le conviant à venir dans ses appartements du Palais de Versailles déguster tantôt des Madeleines, tantôt des Babas au Rhum ou tout autre plaisir sucré...

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    Portrait de Marie Leszczynska (1748) par Quentin de La Tour (1704-1788)

    Cependant, elle sait qu'en matière de gastronomie, le roi a deux péchés mignons : la pâte feuilletée et la volaille. C'est pour les satisfaire que va être créée l'une des plus célèbre charcuterie pâtissière de France : la "Bouchée à la reine" ! Lui en doit-on la recette ? S'est-elle fait aider par le cuisinier de Versailles Vincent La Chapelle, créateur pour sa rivale Madame de Pompadour (1721-1764), des « puits d'amour », ces pâtisseries à base de pâte feuilletée sucrée dont le roi raffole ? Ou bien encore a t-elle prié son pâtissier personnel d'origine alsacienne, Nicolas Stohrer (1706-1789) de s'en inspirer pour mettre au point cette version salée ?

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    Nul ne sait vraiment mais ce qui est certain c'est que cette croustade salée individuelle en forme de timbale est un chef d’œuvre ! Faite de pâte feuilletée, elle est remplie d'un salpicon de viande de poulet et de veau, de champignons frais,sans oublier bien entendu les crêtes et rognons de coq et les testicules d'agneau aux vertus prétendues aphrodisiaques, le tout lié par une sauce réalisée à base d’un bouillon de poule et de veau réduit patiemment, décanté et écumé, dépouillé, puis lié au roux blanc et largement crémé... Si les Bouchées à la reine s'inscriront dans notre patrimoine gastronomique, elles n'auront pas l'effet escompté sur le roi : il continuera ses infidélités jusqu'à la fin de sa vie...

    Aujourd'hui, la ville de Nancy, capitale de la Lorraine devenue fief de Stanislas, Duc de Lorraine et de Bar en 1737, revendique la paternité de ce grand classique de l'art culinaire français.