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HISTOIRE - Page 25

  • Normande la chanson de Roland ?

    A ce jour, personne n'est en mesure de déterminer les origines de ce monument épique du XIe siècle qu'est "la Chanson de Roland". Cette chanson de geste, composée de 9000 vers dans sa version la plus ancienne, relate le combat fatal à la bataille de Roncevaux en 778 du chevalier Roland, marquis des marches de Bretagne, territoire composé des comtés francs du Rennais, du Nantais, du Vannetais, ainsi que d'une partie du Maine, et de ses fidèles preux contre une armée Vasconne en représailles au pillage de Pampelune.

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    Bataille de Roncevaux en 778 - Mort de Roland -

    Grandes chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, v. 1455–1460, BNF

    Roland ou Hruotland (Hruodland en francique), dit « Roland le preux », chevalier né dans la région de Trêves, d'après la légende, neveu de Charlemagne, fut chargé de défendre la frontière du royaume des Francs contre les Bretons.

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    Statue de Roland à Brême (Allemagne)

    Si nombre de thèses s'affrontent autour de la question, une seule certitude s'impose : le manuscrit le plus ancien datant des années 1170 et le plus complet qui la contient, redécouvert en 1834 par l'abbé de La Rue (1751-1835) et considéré aujourd'hui par les historiens comme étant l'original, est rédigé en anglo-normand, la langue des élites continentales outre-Manche au XIIe siècle.

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    Dernier feuillet du manuscrit le plus ancien

    Ce texte s'achève par ce vers sibyllin : "Ci-fait le geste que Turoldus declinet" (Ainsi s'achève l'histoire que Turold raconte).

    Mais qui est donc ce Turold ? Simple copiste ? Récitant reprenant une version antérieure aujourd'hui perdue ? Compositeur de génie ?... Rien de sûr sauf qu'il s'agit d'un normand ! En effet, l'emploi de ce prénom est strictement limité à la Normandie et l'on en connaît de nombreuses occurrences dans les chartes, pouillés et cartulaires relatifs à cette province. Il y apparaît généralement sous la forme latinisée de "Turoldus", tout comme dans la Chanson. Ce nom de personne, qui sorti de l'usage en tant que prénom, va, à partir du XIIe siècle, se perpétuer comme patronyme normand sous les formes encore connues aujourd'hui de Théroulde, Théroude, Touroude, Troude et Throude.

    A noter qu'on retrouve le Turold de la chanson sur la Tapisserie de Bayeux. Car, malgré la fréquence de ce prénom, tout porte à croire qu'il s'agit là de la même personne.

    Un dernier détail : les historiens s'accordent pour placer la rédaction de Chanson de Roland vers l'an 1100, au moment de la première croisade. Pourtant, à la bataille d'Hastings, le 14 octobre 1066, Taillefer, combattant aux côtés de Guillaume le Conquérant (1027/28-1087), aurait entonné celle-ci pour galvaniser ses troupes. Étrange ? Pas vraiment, car d'après le témoignage même de Turold, celui-ci aurait puisé son inspiration dans des œuvres antérieures et demeurées totalement inconnues...

    Biblio. "Normandie Médiévale" - Le Routard - Ed. Hachette, 2018.

  • L'expression "avoir un Jules" et la Reine Marie-Antoinette

    L'histoire de la langue française est aussi surprenante que passionnante ! Savez-vous que l'expression "avoir un Jules" nous vient de l'infortunée reine de France Marie-Antoinette (1755-1793) ? Ou plutôt de son amie, Gabrielle de Polignac (1749-1793) dite "la comtesse Jules".

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    Portrait de la duchesse de Polignac - Élisabeth Vigée Le Brun (1782)

    Voici l'histoire : En 1775, Gabrielle de Polastron épouse à 17 ans le comte Jules de Polignac (1746-1817), capitaine du régiment de Royal-Dragons. Les deux familles sont de même rang, toutes deux de vieille noblesse mais toutes deux sans fortune. La même année, alors que les deux jeunes époux sont conviés à un bal au château de Versailles, la reine remarque la jeune femme et est instantanément éblouie par le charme de la comtesse Jules. Jolie, élégante, enjouée, de nature vive et spontanée, la souveraine conçoit alors pour la comtesse une très vive amitié. Auprès de sa nouvelle favorite, elle redécouvre la légèreté et l'insouciance qui lui font tant défaut à Versailles. Pour la garder auprès d'elle, elle n'hésite pas à faire éponger par le Trésor royal les dettes du couple Polignac et donne au mari la charge de grand écuyer.

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    Portraits de Marie-Antoinette et du roi Louis XVI

    Et le couple s'installe à Versailles. La comtesse Jules obtient de la Reine de nombreux avantages pour elle, son mari, sa famille et son entourage. Ainsi, le 20 septembre 1780, Jules de Polignac est élevé au rang de duc héréditaire de Polignac. A ce titre, deux ans plus tard, s'ajoute la charge pour son épouse de Gouvernante des enfants de France. Et pour accompagner le tout, on leur attribue un appartement de treize pièces.

    Ce favoritisme heurte nombre de familles aristocratiques et alimente l'impopularité de Marie-Antoinette, non seulement auprès de ses sujets qui jugent scandaleux les privilèges accordés à la favorite alors que le royaume est en proie à des difficultés financières, mais aussi auprès d'une part grandissante de la noblesse. Les griefs s'accumulent contre les deux femmes, les médisances aussi... À la fin des années 1780, on n'hésite pas à leur prêter des relations dépassant le cadre de l'amitié. Des pamphlets circulent présentant sans détour le "Jules de la Reine" comme sa maîtresse ! C'est de là qu'est née l'expression "avoir un Jules", c'est-à-dire avoir un amoureux.

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    Lettre d'adieu de Marie-Antoinette à Mme de Polignac en date du 16 juillet 1789

    Sur ordre du couple royal, les époux Polignac quittent Versailles le 16 juillet 1789 avec une bourse de 500 louis attribuée par la reine. La duchesse de Polignac mourra en exil à Vienne (Autriche) le 9 décembre 1793, soit un peu plus d'un mois après la reine. Sur sa pierre tombale, son nom est suivi de cette mention : « Morte de douleur ».

  • La grâce d'une main

    Une main. Une simple main. Une main de plâtre d'après nature. Est-ce celle d'un d'homme ? D'une femme ? Cette main est légère, semblant prête à prendre son envol. Le poignet est fin. Les doigts sont longs, fuselés, les oncles larges, courts, presque carrés. "Dans la grâce de cette main au frémissement maîtrisé, dans cette douceur virile, rien qui pose ou qui pèse". 

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    Moulage de la main de Frédéric Chopin par Jean-Baptiste Clésinger

    Cette main, c'est celle de Frédéric Chopin (1810-1849). Georges Sand, son amante, disait de lui qu'il faisait "parler à un seul instrument la langue de l'infini..."

     

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    Daguerréotype de Frédéric Chopin - 1846 ou 1847

     

    Né d'un père français et d'une mère polonaise, le moulage de sa main de pianiste a été réalisée par un de ses amis proches, le sculpteur Jean-Baptiste Auguste Clésinger, dit Auguste Clésinger (1814-1883) , gendre de Georges Sand.

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    Clésinger - Photographie de Nadar

    Au XIXe siècle, il était fréquent de reproduire des parties du corps de l'être aimé, de son vivant ou à sa mort. C'est peut-être en février 1847, peu de temps avant la rupture des deux amants, que Clésinger exécute le moulage. Car "l'ange déguisé en homme" est aussi un "écorché vif que le pli d'une feuille de rose, l'ombre d'une mouche faisaient saigner". Leur passion n'y résistera pas...

     

    La main de Chopin se trouve aujourd'hui au Musée de la Vie Romantique de Paris, situé à deux pas de la place Clichy, Hôtel Scheffer-Renan.