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HISTOIRE - Page 15

  • La Gazette des atours de Marie-Antoinette

    Regardez bien ce cahier ! Avec un corsage en taffetas de soie bleu pâle et une robe de satin blanc brodé de perles et draperies, il est tout ce qui reste de l'immense garde-robe de l'infortunée Marie-Antoinette (1755-1793).

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    272 pages de format in-quarto recouvertes d'un parchemin vert sur lequel est écrit "Madame la Comtesse d'Ossun, Garde-Robe des Atours de la reine, Gazette pour l'année 1782."Dans les pages de ce cahier, conservé aux Archives nationales, de petits bouts de tissus aux couleurs variées, en majorité unis ou rayés, de simples échantillons des pièces de soie et de toile avec lesquelles étaient confectionnées les très jolies robes choisies par la reine pour la seule année 1782. Car cette "Gazette des atours" n'est en fait qu'un document comptable. Il est tenu par Geneviève de Gramont, Comtesse d'Ossun (1751-1794), nommée en 1781 dame d'atours de la Reine avec pour mission "impossible" de freiner les dépenses de garde-robe de celle-ci. À l'aide de ce cahier, la comtesse surveillait étroitement non seulement la livraison des robes mais le montant de chaque facture, notamment celles de la modiste, Rose Bertin (1747-1813), couturière préférée de Marie-Antoinette, qui en profitait largement pour pratiquer les prix les plus chers du marché.

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    Trois fois par an, la Reine lui commandait pas moins de "douze grands habits de cour", "douze petites robes dites de fantaisie", " douze robes riches sur panier pour le jeu ou le souper des petits appartements". A cela s'ajoutaient toutes sortes de jupons, collerettes, manchettes, coques, chemises, bas de soie, fourrures, souliers, chapeaux et accessoires en tout genre qui explosaient le budget alloué aux dépenses de représentation de sa majesté. Mais ce que Reine veut, le roi le veut ! Louis XVI (1754-1793) cédait toujours aux caprices de son épouse. Et peu importe le trou abyssal creusé par ces dépenses dans le budget du royaume et l'exaspération montante du peuple qu'on refuse d'entendre !

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    Le 16 octobre 1793, la reine est guillotinée. Malgré ses efforts pour réduire les dépenses de la garde-robe de sa majesté, la Comtesse d'Ossun sera conduite elle aussi à l'échafaud le 26 juillet 1794. Seule "la ministre de la Mode", Mademoiselle Bertin aura la vie sauve : elle émigre en Angleterre après avoir brûlé tous ses livres de caisses et ses factures et revient ensuite finir ses jours en France où elle s'éteint le 21 septembre 1813.

     

  • Normande la chanson de Roland ?

    A ce jour, personne n'est en mesure de déterminer les origines de ce monument épique du XIe siècle qu'est "la Chanson de Roland". Cette chanson de geste, composée de 9000 vers dans sa version la plus ancienne, relate le combat fatal à la bataille de Roncevaux en 778 du chevalier Roland, marquis des marches de Bretagne, territoire composé des comtés francs du Rennais, du Nantais, du Vannetais, ainsi que d'une partie du Maine, et de ses fidèles preux contre une armée Vasconne en représailles au pillage de Pampelune.

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    Bataille de Roncevaux en 778 - Mort de Roland -

    Grandes chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, v. 1455–1460, BNF

    Roland ou Hruotland (Hruodland en francique), dit « Roland le preux », chevalier né dans la région de Trêves, d'après la légende, neveu de Charlemagne, fut chargé de défendre la frontière du royaume des Francs contre les Bretons.

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    Statue de Roland à Brême (Allemagne)

    Si nombre de thèses s'affrontent autour de la question, une seule certitude s'impose : le manuscrit le plus ancien datant des années 1170 et le plus complet qui la contient, redécouvert en 1834 par l'abbé de La Rue (1751-1835) et considéré aujourd'hui par les historiens comme étant l'original, est rédigé en anglo-normand, la langue des élites continentales outre-Manche au XIIe siècle.

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    Dernier feuillet du manuscrit le plus ancien

    Ce texte s'achève par ce vers sibyllin : "Ci-fait le geste que Turoldus declinet" (Ainsi s'achève l'histoire que Turold raconte).

    Mais qui est donc ce Turold ? Simple copiste ? Récitant reprenant une version antérieure aujourd'hui perdue ? Compositeur de génie ?... Rien de sûr sauf qu'il s'agit d'un normand ! En effet, l'emploi de ce prénom est strictement limité à la Normandie et l'on en connaît de nombreuses occurrences dans les chartes, pouillés et cartulaires relatifs à cette province. Il y apparaît généralement sous la forme latinisée de "Turoldus", tout comme dans la Chanson. Ce nom de personne, qui sorti de l'usage en tant que prénom, va, à partir du XIIe siècle, se perpétuer comme patronyme normand sous les formes encore connues aujourd'hui de Théroulde, Théroude, Touroude, Troude et Throude.

    A noter qu'on retrouve le Turold de la chanson sur la Tapisserie de Bayeux. Car, malgré la fréquence de ce prénom, tout porte à croire qu'il s'agit là de la même personne.

    Un dernier détail : les historiens s'accordent pour placer la rédaction de Chanson de Roland vers l'an 1100, au moment de la première croisade. Pourtant, à la bataille d'Hastings, le 14 octobre 1066, Taillefer, combattant aux côtés de Guillaume le Conquérant (1027/28-1087), aurait entonné celle-ci pour galvaniser ses troupes. Étrange ? Pas vraiment, car d'après le témoignage même de Turold, celui-ci aurait puisé son inspiration dans des œuvres antérieures et demeurées totalement inconnues...

    Biblio. "Normandie Médiévale" - Le Routard - Ed. Hachette, 2018.

  • L'expression "avoir un Jules" et la Reine Marie-Antoinette

    L'histoire de la langue française est aussi surprenante que passionnante ! Savez-vous que l'expression "avoir un Jules" nous vient de l'infortunée reine de France Marie-Antoinette (1755-1793) ? Ou plutôt de son amie, Gabrielle de Polignac (1749-1793) dite "la comtesse Jules".

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    Portrait de la duchesse de Polignac - Élisabeth Vigée Le Brun (1782)

    Voici l'histoire : En 1775, Gabrielle de Polastron épouse à 17 ans le comte Jules de Polignac (1746-1817), capitaine du régiment de Royal-Dragons. Les deux familles sont de même rang, toutes deux de vieille noblesse mais toutes deux sans fortune. La même année, alors que les deux jeunes époux sont conviés à un bal au château de Versailles, la reine remarque la jeune femme et est instantanément éblouie par le charme de la comtesse Jules. Jolie, élégante, enjouée, de nature vive et spontanée, la souveraine conçoit alors pour la comtesse une très vive amitié. Auprès de sa nouvelle favorite, elle redécouvre la légèreté et l'insouciance qui lui font tant défaut à Versailles. Pour la garder auprès d'elle, elle n'hésite pas à faire éponger par le Trésor royal les dettes du couple Polignac et donne au mari la charge de grand écuyer.

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    Portraits de Marie-Antoinette et du roi Louis XVI

    Et le couple s'installe à Versailles. La comtesse Jules obtient de la Reine de nombreux avantages pour elle, son mari, sa famille et son entourage. Ainsi, le 20 septembre 1780, Jules de Polignac est élevé au rang de duc héréditaire de Polignac. A ce titre, deux ans plus tard, s'ajoute la charge pour son épouse de Gouvernante des enfants de France. Et pour accompagner le tout, on leur attribue un appartement de treize pièces.

    Ce favoritisme heurte nombre de familles aristocratiques et alimente l'impopularité de Marie-Antoinette, non seulement auprès de ses sujets qui jugent scandaleux les privilèges accordés à la favorite alors que le royaume est en proie à des difficultés financières, mais aussi auprès d'une part grandissante de la noblesse. Les griefs s'accumulent contre les deux femmes, les médisances aussi... À la fin des années 1780, on n'hésite pas à leur prêter des relations dépassant le cadre de l'amitié. Des pamphlets circulent présentant sans détour le "Jules de la Reine" comme sa maîtresse ! C'est de là qu'est née l'expression "avoir un Jules", c'est-à-dire avoir un amoureux.

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    Lettre d'adieu de Marie-Antoinette à Mme de Polignac en date du 16 juillet 1789

    Sur ordre du couple royal, les époux Polignac quittent Versailles le 16 juillet 1789 avec une bourse de 500 louis attribuée par la reine. La duchesse de Polignac mourra en exil à Vienne (Autriche) le 9 décembre 1793, soit un peu plus d'un mois après la reine. Sur sa pierre tombale, son nom est suivi de cette mention : « Morte de douleur ».