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PASSION GENEALOGIE, HISTOIRES de NORMANDIE et d'AILLEURS - Page 59

  • Une beauté carthaginoise, un roman, un opéra et un petit gâteau...

    Tout est né d'un roman, celui du normand Gustave Flaubert (1821, Rouen - 1880, Croisset) dont en célèbre cette année le bi-centenaire de la naissance ! Son second roman, « Salammbô ». Un roman historique qui commence par ces mots « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar... »

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    Il a été publié le 14 novembre 1862, soit cinq ans après "Madame Bovary". Cette fois, l'histoire a pour toile de fond nonpas les mœurs de province mais le conflit qui opposa au IIIe siècle avant J.-C. la ville de Carthage en Tunisie aux Mercenaires barbares qu'elle avait employés pendant la première guerre punique. Le personnage éponyme de ce roman, Salammbô, fille du Général carthaginois Hamilcar, est prêtresse de la déesse Tanit. Fascinés par sa beauté, les guerriers Mâtho et Narr'Havas en tombent follement amoureux. Pour elle, Mâtho vole le voile de Tanit. Une véritable offense dont la survie de la ville de Carthage va dépendre. Pour le récupérer, Salammbô se donne à Mâtho. Les guerres se poursuivent et Mâtho est fait prisonnier. Il meurt torturé et déchiqueté par la foule. Victime de cette scène horrible dont elle est témoin, Salammbô, sur le point d'épouser Narr'Havas, trépasse à son tour.

    C'est en Normandie, à Croisset, petit hameau de Canteleu situé en Seine-Maritime, qu'à partir du 5 juin 1858, après plusieurs séjours de « repérage » et de prises de notes à Constantine, Tunis et Carthage, Flaubert entame la rédaction de son « Salammbô » qui lui demandera pas moins de 4 ans de travail. Sa propriété est située au bord de la Seine. Il l'a héritée de son père, le docteur Achille Cléophas Flaubert (1784-1846) qui l'avait acquise en 1844. Gustave y vivra 35 ans et c'est là qu'il écrira l'essentiel de son œuvre.

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    Ernest Reyer (1823-1909)

    Son ami, le compositeur français Ernest Reyer (1823-1909), s'inspira de cette histoire pour composer sa dernière grande œuvre. Son opéra « Salammbô », sera présenté en avant-première au Théâtre des Arts de Rouen, le 23 novembre 1890.

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    Et c'est la même année que, pour célébrer le succès de cet opéra, un pâtissier parisien créera le « Salambo », un délicieux petit gâteau plus large et plus court qu'un éclair, en pâte à choux garni de crème pâtissière au kirsch puis glacé au fondant vert ou caramel et nappé sur l'une de ses extrémités de vermicelles en chocolat.

  • L'odontologie judiciaire née d'une tragédie...

    Paris. 4 mai 1897. En cet après-midi de Printemps, le « tout-Paris » se presse au cœur du 8ème arrondissement, au niveau des numéros 15 et 17 de la rue Jean Goujon, pour assister à la treizième édition du « Bazar de la Charité », un événement caritatif et mondain, la vente d'objets d’arts, de bibelots, tableaux, bijoux, livres,... au bénéfice aux plus déshérités.

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    Le Bazar de la Charité avant l'incendie. Illustration tirée du Supplément illustré du Petit Journal du 16 mai 1897

    Pour l'abriter, on a construit un immense hangar en pitchpin, couvert d'un velum goudronné. A l'intérieur, une longue galerie en bois à laquelle on a donné les apparences d'une rue du Moyen-âge. A chaque extrémité, une porte à double-battant ouvre sur une vaste allée centrale bordée le long des murs de comptoirs en bois portant des noms évocateurs comme « À la tour de Nesle », « Au lion d’or » ou « Au chat botté ». Chacun d'eux sont tenus par une dizaine de dames de la plus haute aristocratie ou de la très grande bourgeoisie. A l'arrière du hangar, dans une petite cour intérieure cernée de hauts murs, un petit appentis abrite l'attraction principale de l’événement, le cinématographe. Pour quelques centimes, les visiteurs pourront y admirer les premières images animées des frères Lumière comme «  La Sortie de l'usine Lumière à Lyon », « L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat » et « L'Arroseur arrosé ».

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    Il est 16 heures 15 ce jour-là, lorsque le projectionniste, dans la presque obscurité de son local, débouche une bonbonne d'éther afin de remplir le réservoir de sa lampe à projection. Pour lui venir en aide, son assistant craque une allumette. Aussitôt les vapeurs d'éther s'enflamment, le velum prend feu et les flammes se propagent dans tout le bâtiment à la vitesse de l'éclair ! C'est très vite la panique générale. Environ un millier de personnes, principalement des femmes, se bousculent pour échapper à la fournaise. En un quart d'heure à peine, tout est consumé : le hangar n’offre plus l’aspect que d’un amoncellement de poutres de bois calcinées. Au sol, git plus d'une centaine de cadavres atrocement mutilés et carbonisés.

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    Sophie-Charlotte en Bavière, duchesse d'Alençon (1847-1897)

    Le lendemain, une trentaine d'entre-eux restent encore à identifier. Parmi eux, celui de Sophie Charlotte de Bavière, Altesse Royale, duchesse d'Alençon. Membre de la Maison royale de Bavière, sœur de Sissi, l'impératrice d'Autriche et de l'ex-reine des Deux-Siciles, petite-fille par alliance du roi des Français, Louis-Philippe Ier , qui était l'invitée d'honneur du Bazar. Sollicité, le Dr Isaac Davenport, son dentiste, arrive avec sa fiche dentaire où sont notées ses 17 consultations échelonnées sur deux années, la dernière ayant eu lieu le 15 décembre 1897. Il identifie son corps et son procès-verbal est avalisé par la justice. C’est une première en France qui signe la naissance de l'odontologie judiciaire.

    A noter que la Duchesse d'Alençon a fait preuve d'une maîtrise de soi et d'une dignité sans égale. Sur place, elle a organisé la sortie des plus plus jeunes, des clientes et de ses vendeuse. Quand enfin elle se dirige vers la sortie principale où son mari l’aperçoit pour la dernière fois, le chemin est si encombré qu'il en est impraticable. A une religieuse venue s'effondrer à ses pieds en lui disant  : “Ô Madame, quelle mort !”, elle lui répond : “Oui, mais dans quelques minutes, pensez que nous verrons Dieu !”

     

     

    Biblio. «  Petit étalage de morts stupides » de A. Novarino-Pothier -Ed. De Borée, 2020.

    Merci au site www.histoire-medecine.fr/histoire-odontologie-medico-legale

  • Quand l'embaumement était affaire de cuisiniers...

    A la mort de Charles IX (1550-1574), le 30 mai 1574, et suite aux rumeurs d'empoisonnement qui circulaient à la cour, pour la première fois dans l'histoire de la monarchie française, on va autopsier le corps du roi. Dès lors, cette pratique sera généralisée à tous les souverains défunts dans le but bien sûr de confirmer les causes du décès mais surtout de lever les doutes quant à une suspicion d'assassinat.

    En ce qui concerne Charles IX, c'est Ambroise Paré (1509-1590), son médecin-chirurgien personnel, qui en est chargé. Les médecins-chirurgiens royaux demeuraient libres de ne décrire que ce qui leur semblait nécessaire, et bien sûr, de couvrir au passage d'éventuels agissement criminels... Aussi, à partir du décès du roi Louis XIII (1601-1643), le 14 mai 1643, ce "privilège" d'ouverture du corps, va être confié au doyen et aux membres de la Faculté de médecine de Paris.

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    Le reliquaire du cœur d'Anne de Bretagne (1477-1514)

    Comme au Royaume de France, depuis le règne de Louis VIII (1187-1226) , corps et cœur de souverain font tombeaux à part, lors de l'autopsie, le praticien prélève, à mains nues mais avec soin, divers organes, lesquels, à posteriori, seront "offerts" en témoignage d'estime et selon les volontés du défunt, à des congrégations religieuses. Ainsi, si le corps de Charles V (1338-1380), roi de France et Duc de Normandie, qui rendit son âme à Dieu le 16 septembre 1380, a bien été déposé à l'abbaye royale de Saint-Denis, son cœur quant à lui repose à la Cathédrale Notre-Dame de Rouen, où il se trouve toujours, dans une petite niche de la crypte protégée par une grille.

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    Niche de la crypte de la Cathédrale Notre-Dame de Rouen où repose le cœur de Charles V (1338-1380)

    Après l'autopsie et le prélèvement d'organes, on procédait à l'embaumement du corps du roi, étape essentielle du processus mortuaire. Sa finalité était très simple : retarder la décomposition du corps et permettre l’hommage des sujets à leur défunt souverain. Durant tout le temps de la veillée funèbre et jusqu'aux funérailles proprement dites, une multitude de courtisans et de visiteurs viendront s'incliner devant sa dépouille. Celle-ci nécessite un traitement minutieux destiné à maintenir l’aspect du corps mais aussi à limiter l'émanation d’odeurs insupportables. La technique d'embaumement n'a pas changé depuis Philippe le Bel (1258-1314)! Après l’extraction des viscères (abdomen, thorax et crâne), placées dans un baril de plomb, les cavités du corps sont remplies d'étoupes et de poudre d'herbes odoriférantes et dessiccatives (asséchantes), avant fermeture, bandelettage et dépôt dans deux cercueils, de plomb et de bois. Pour l'embaumement du corps du Roi Louis XIV, pas moins de vingt-cinq végétaux différents seront utilisés. Feuilles de laurier et de rue, myrte, romarin, sauge, baume, absinthe, marjolaine, hysope, thym, serpolet, basilic, mais aussi racines d'iris, d'angélique, de flambe, de calamus aromaticus, sans oublier les fleurs de roses, de camomille, de melilot, de lavande, les écorces de citrons et d'oranges, les semences d'anis, de fenouil, de coriandre et de cumin...

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    Matériel d'autopsie du Corps du Roi Louis XIV

    Les premiers embaumements, du VIe au XIe siècle, étaient l'affaire des cuisiniers. Ils avaient non seulement l'habitude d'ouvrir les corps morts mais connaissaient mieux que d'autres les aromates, produits et techniques déshydratants destinés à parfumer, farcir et dessécher les viandes. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que l'embaumement fut confié aux chirurgiens, lesquels, laissèrent à leur tour leur place, dès le second tiers du XIXe siècle, aux chimistes et apothicaires. Avec eux, l'usage des conservateurs naturels ou artificiels, principalement fondés sur l'alcool et les métaux lourds, comme l'arsenic, le mercure ou le plomb, va se généraliser. Par bien des aspects, les actuels thanatopracteurs sont la continuité de ce dernier corps de métier, dont la légitimité s'est d'ailleurs assise sur les soins prodigués aux derniers souverains français, de Louis XVIII à Napoléon III.

     

    Biblio."Autopsie des morts célèbres" de Ph. Charlier et D. Alliot -Ed. Tallandier, 2019.