Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

autopsie

  • Quand l'embaumement était affaire de cuisiniers...

    A la mort de Charles IX (1550-1574), le 30 mai 1574, et suite aux rumeurs d'empoisonnement qui circulaient à la cour, pour la première fois dans l'histoire de la monarchie française, on va autopsier le corps du roi. Dès lors, cette pratique sera généralisée à tous les souverains défunts dans le but bien sûr de confirmer les causes du décès mais surtout de lever les doutes quant à une suspicion d'assassinat.

    En ce qui concerne Charles IX, c'est Ambroise Paré (1509-1590), son médecin-chirurgien personnel, qui en est chargé. Les médecins-chirurgiens royaux demeuraient libres de ne décrire que ce qui leur semblait nécessaire, et bien sûr, de couvrir au passage d'éventuels agissement criminels... Aussi, à partir du décès du roi Louis XIII (1601-1643), le 14 mai 1643, ce "privilège" d'ouverture du corps, va être confié au doyen et aux membres de la Faculté de médecine de Paris.

    embaumement 2.jpg

    Le reliquaire du cœur d'Anne de Bretagne (1477-1514)

    Comme au Royaume de France, depuis le règne de Louis VIII (1187-1226) , corps et cœur de souverain font tombeaux à part, lors de l'autopsie, le praticien prélève, à mains nues mais avec soin, divers organes, lesquels, à posteriori, seront "offerts" en témoignage d'estime et selon les volontés du défunt, à des congrégations religieuses. Ainsi, si le corps de Charles V (1338-1380), roi de France et Duc de Normandie, qui rendit son âme à Dieu le 16 septembre 1380, a bien été déposé à l'abbaye royale de Saint-Denis, son cœur quant à lui repose à la Cathédrale Notre-Dame de Rouen, où il se trouve toujours, dans une petite niche de la crypte protégée par une grille.

    embaumement 3 coeur charles V.JPG

    Niche de la crypte de la Cathédrale Notre-Dame de Rouen où repose le cœur de Charles V (1338-1380)

    Après l'autopsie et le prélèvement d'organes, on procédait à l'embaumement du corps du roi, étape essentielle du processus mortuaire. Sa finalité était très simple : retarder la décomposition du corps et permettre l’hommage des sujets à leur défunt souverain. Durant tout le temps de la veillée funèbre et jusqu'aux funérailles proprement dites, une multitude de courtisans et de visiteurs viendront s'incliner devant sa dépouille. Celle-ci nécessite un traitement minutieux destiné à maintenir l’aspect du corps mais aussi à limiter l'émanation d’odeurs insupportables. La technique d'embaumement n'a pas changé depuis Philippe le Bel (1258-1314)! Après l’extraction des viscères (abdomen, thorax et crâne), placées dans un baril de plomb, les cavités du corps sont remplies d'étoupes et de poudre d'herbes odoriférantes et dessiccatives (asséchantes), avant fermeture, bandelettage et dépôt dans deux cercueils, de plomb et de bois. Pour l'embaumement du corps du Roi Louis XIV, pas moins de vingt-cinq végétaux différents seront utilisés. Feuilles de laurier et de rue, myrte, romarin, sauge, baume, absinthe, marjolaine, hysope, thym, serpolet, basilic, mais aussi racines d'iris, d'angélique, de flambe, de calamus aromaticus, sans oublier les fleurs de roses, de camomille, de melilot, de lavande, les écorces de citrons et d'oranges, les semences d'anis, de fenouil, de coriandre et de cumin...

    embaumement 1.jpg

    Matériel d'autopsie du Corps du Roi Louis XIV

    Les premiers embaumements, du VIe au XIe siècle, étaient l'affaire des cuisiniers. Ils avaient non seulement l'habitude d'ouvrir les corps morts mais connaissaient mieux que d'autres les aromates, produits et techniques déshydratants destinés à parfumer, farcir et dessécher les viandes. Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que l'embaumement fut confié aux chirurgiens, lesquels, laissèrent à leur tour leur place, dès le second tiers du XIXe siècle, aux chimistes et apothicaires. Avec eux, l'usage des conservateurs naturels ou artificiels, principalement fondés sur l'alcool et les métaux lourds, comme l'arsenic, le mercure ou le plomb, va se généraliser. Par bien des aspects, les actuels thanatopracteurs sont la continuité de ce dernier corps de métier, dont la légitimité s'est d'ailleurs assise sur les soins prodigués aux derniers souverains français, de Louis XVIII à Napoléon III.

     

    Biblio."Autopsie des morts célèbres" de Ph. Charlier et D. Alliot -Ed. Tallandier, 2019.