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HISTOIRES GOURMANDES

  • Une bouchée à la reconquête d'un roi

    5 Septembre 1725, le jeune roi Louis XV (1710-774) épouse à Fontainebleau Maria Leszczynska (1703-1768). Cette jeune princesse, de sept ans son aînée, fille de l'ex-roi de Pologne Stanislas 1er (1677-1766), régnera sur le royaume de France pendant 43 ans. C'est là le plus long règne d'une reine de notre pays. À l’écart des affaires, peu considérée par la Cour, elle laisse le souvenir d'une « bonne reine », douce et dévote, très investie dans les œuvres de bienfaisance. Des qualités de cœurs qui lui vaudront d'être épargnée des libelles et autres calomnies dont furent victimes d'autres reines de France...

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    Au cours des dix premières années de mariage, elle va donner 10 enfants à son fougueux royal époux. Mais le ciel d'azur finit par s'assombrir. Après la naissance de sa dernière fille, le 15 juillet 1767, prématurément usée par ses accouchements à répétition, elle est délaissée par un mari qui s'entoure de son côté de fort jolies et jeunes femmes de la cour !

    Désireuse de reconquérir ses faveurs, la reine va encourager la gourmandise du roi en le conviant à venir dans ses appartements du Palais de Versailles déguster tantôt des Madeleines, tantôt des Babas au Rhum ou tout autre plaisir sucré...

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    Portrait de Marie Leszczynska (1748) par Quentin de La Tour (1704-1788)

    Cependant, elle sait qu'en matière de gastronomie, le roi a deux péchés mignons : la pâte feuilletée et la volaille. C'est pour les satisfaire que va être créée l'une des plus célèbre charcuterie pâtissière de France : la "Bouchée à la reine" ! Lui en doit-on la recette ? S'est-elle fait aider par le cuisinier de Versailles Vincent La Chapelle, créateur pour sa rivale Madame de Pompadour (1721-1764), des « puits d'amour », ces pâtisseries à base de pâte feuilletée sucrée dont le roi raffole ? Ou bien encore a t-elle prié son pâtissier personnel d'origine alsacienne, Nicolas Stohrer (1706-1789) de s'en inspirer pour mettre au point cette version salée ?

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    Nul ne sait vraiment mais ce qui est certain c'est que cette croustade salée individuelle en forme de timbale est un chef d’œuvre ! Faite de pâte feuilletée, elle est remplie d'un salpicon de viande de poulet et de veau, de champignons frais,sans oublier bien entendu les crêtes et rognons de coq et les testicules d'agneau aux vertus prétendues aphrodisiaques, le tout lié par une sauce réalisée à base d’un bouillon de poule et de veau réduit patiemment, décanté et écumé, dépouillé, puis lié au roux blanc et largement crémé... Si les Bouchées à la reine s'inscriront dans notre patrimoine gastronomique, elles n'auront pas l'effet escompté sur le roi : il continuera ses infidélités jusqu'à la fin de sa vie...

    Aujourd'hui, la ville de Nancy, capitale de la Lorraine devenue fief de Stanislas, Duc de Lorraine et de Bar en 1737, revendique la paternité de ce grand classique de l'art culinaire français.

  • L'histoire du poulet Marengo

    14 juin 1800 (25 Prairial an VIII) en Italie. A cinquante kilomètres au nord de Gènes, dans la plaine de Marengo, un petit village du Piémont. Les troupes de l'armée française du Général Bonaparte alors Premier Consul composées de 28 000 hommes font face aux 30 000 soldats de l'armée impériale autrichienne, lesquels ont d'abord l'avantage avant que les renforts français n'arrivent et renversent la situation in extremis. A la nuit tombée, le Piémont retentit des cris d'allégresse des soldats vainqueurs !

    Le Premier Consul qui n'a rien avalé de la journée a une faim de loup ! Il réclame du poulet, son plat préféré ! Son cuisinier, François Claude Guignet dit Dunand qui, avant d'être à son service, a servi les princes de Condé et suivi le duc de Bourbon en émigration durant douze années, doit trouver rapidement de quoi le nourrir. Et ce n'est pas une mince affaire !

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    La bataille de Marengo par Louis-François Lejeune

    Car une fois encore, le ravitaillement n'a pas suivi ! Ni vivres à sa disposition, ni ustensiles de cuisine ! Dunand le sait, il va devoir faire encore une fois « à la fortune du pot » avec ce que ses aides vont réussir à grappiller ça et là dans les campagnes environnantes...

    A leur retour, le cuisinier examine le précieux butin : un poulet rendu sourd ou fou par le bruit des canons, des œufs, quelques légumes de jardin miraculeusement épargnés, des oignons, des tomates, de l'ail et du persil, un reste de pain rassis, un litron de vin blanc dérobé chez un aubergiste et des écrevisses pêchées dans les marais … Sans oublier une poêle à frire !

    Dunand découpe la volaille au sabre, la place dans la poêle et la fait rissoler à l'huile d'olive avant de la recouvrir de tomates et de vin blanc et de laisser réduire le tout. Dans la même huile, il fait frire successivement le pain, les œufs et les écrevisses. Enfin, il sert les croûtons de pain surmontés des œufs et des écrevisses en ronde, autour des morceaux de poulet, sur un lit de sauce à la tomate et aux oignons.

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    Ce « poulet de la victoire » prendra le nom de « Poulet Marengo » et fera carrière dans les restaurants parisiens. Dunand restera fidèle à l'Empereur jusqu'à son exil sur l'île de Sainte-Hélène : «  Je travaillais de tous mes moyens à la conservation de la santé du grand homme sur lequel reposaient les destinées de la France » confessera t'il. Originaire de Suisse, il avouera aussi s'être inspiré pour sa recette d'un mets du Jura : le poulet aux écrevisses.

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    Le général Bonaparte et son chef d'état-major le général Berthier à la bataille de Marengo par J. Boze, R. Lefevre et C. Vernet

     

    Belle histoire que cette recette n'est-ce-pas, même si sa véracité est aujourd'hui contestée par plusieurs historiens... Ce qui est vrai, par contre, c'est que la bataille de Marengo a fait près de 15 000 morts et blessés et pas moins de 8 000 prisonniers autrichiens.

  • La mimolette, un fromage de guerre

    Dire que le très catholique roi de France Louis XIV (1638-1715) n'aimait pas les hollandais est un doux euphémisme ! Il les haïssait ! Car ses motifs de mécontentement contre ces « Provinces-Unies », bastion du protestantisme, étaient nombreux ! Alors, en 1672, il leur déclare la guerre.

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    Et pour commencer, il demande à Colbert (1619-1683) d'interdire l'importation de leurs fromages et notamment de l'Édam. Ce fromage porte le nom d'une ville de la province de Hollande-Septentrionale, une très ancienne région d'élevage. Facilement transportable, nutritif, l'Édam est très utile pour le ravitaillement des navires comme des soldats.

    Aussi, le ministre du Roi Soleil va exhorter les éleveurs français à fabriquer un fromage similaire.

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    Louis XIV au siège de Maastricht en 1673

    C'est ainsi que naît en Flandre française, dans la région de Lille, un fromage au lait cru de vache, à pâte pressée non cuite, la « boule de Lille » ou « vieux hollande », qui se différencie de l'Edam en raison d'une part de l'ajout d'un colorant orange, le rocou, issu de la graine du roucouyer, un fruit d’Amérique centrale et d'autre part de l'absence de croûte paraffinée.

    Ce n'est au XXe siècle que ce fromage prend son nom actuel de « mimolette »  nom dérivé de « mollet » en référence à sa pâte mi-molle, mi-dure, laquelle, avec le temps, devient de plus en plus cassante. Quant à sa coloration orangée, elle n'est plus due au rocou mais seulement au carotène.

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    Souvent présentée comme le fromage préféré du général de Gaulle (1890-1970), la mimolette se déguste aussi bien crue, fondue que râpée, en accompagnement d'aliments salés ou sucrés, et s'adapte aux préparations les plus simples comme les plus sophistiquées.

    Aujourd'hui, la production de la Mimolette s’est industrialisée et est mise en œuvre dans la Meuse et chez nous en Normandie, principalement dans le département du Calvados.