Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

HISTOIRES GOURMANDES - Page 3

  • « Pain de Mars » et pâte d'amande

    Le massepain dont le nom provient du latin « martius panis » soit « pain de Mars » est une confiserie traditionnelle confectionnée à base d'amandes mondées et finement moulues mélangées à du blanc d'œuf et du sucre dans une proportion respective de 2/3-1/3. Lorsque ces ingrédients sont présents en même proportion, on obtient de la pâte d'amande.

    massepain 01.jpg

    Utilisée depuis l'Antiquité, les Romains appelaient l'amande « la noix grecque ». Née sur les terres ensoleillées des rives de la Méditerranée, dès le Moyen-âge, on va la piler ou plutôt la broyer « à grant foison ». Avec la pâte obtenue, on confectionner des pâtisseries comme le massepain ou les macarons, mais aussi de l'huile et une liqueur un peu oubliée aujourd'hui, le sirop d'orgeat.

    massepain 03.jpg

    Selon le « Robert historique » le mot « massepain » serait à rattacher à l'italien « marzapane” qui désignait au XIVe siècle une mesure de capacité de la côte sud de l'Asie Mineure. L'une des premières références au massepain a été découverte dans les registres de la ville allemande de Lübeck de l'année 1530 où des apothicaires le commercialisait pour les propriétés médicinales de la pâte d'amande réputée soulager le cœur, les douleurs pectorales et les maux de tête.

    Avant que le sucre n’existe en Europe, les amandes étaient mêlées à du miel et parfumées aux épices ou à l’eau de rose. Produit rare et coûteux, jusqu’au XVIIIe siècle, il se vulgarisa grâce à l’importation du sucre de canne produit dans les colonies et à l’exploitation de la betterave sucrière.

    massepain 02.jpg

    L'astrologue et auteur Nostradamus (1503-1566) nous a laissé la recette du Massepain dans son « Traité des Fardements et Confitures (1555) ». En voici un extrait (orthographe modernisée).*

    « Prenez des amandes plumées bien nettes (émondées), une livre, faites-les piler fort dans un mortier de marbre, avec demi-livre de sucre de Madère & quand tout sera bien pilé ensemble, vous yu mettrez un peu de l'eau de rose, en les pilant, pour cause qu'elles ne rendent pas d'huile & quand elles seront très bien pilées, vous en ferez de petits tourteaux, ou de petites tartelettes toutes rondes étendues dessus des oublies(...) puis les faire cuire au four. Et quand elles seront demi-cuites au four, vous aurez (prendrez) du sucre en poudre & les pâtrerez (pétrirez) avec blancs d’œufs, peu du suc (jus) des oranges, & ferez qu'il sera fort liquide & quand la tarte sera presque du tout cuite, vous la sortirez du four & avec une plume, lui mettrez pardessus de ce sucre liquéfié & puis retournerez la tarte dans le four tant seulement (simplement) pour prendre couleur & quand sera cuite, la trouverez avoir un goût délectable & savoureux... »

     

     

    * Recette publiée dans la revue « Patrimoine Normand » n°93 de 2015.

  • Et que ça saute !

    Il pleut et les enfants s'ennuient... Et si vous leur faisiez des crêpes ? Simplement de la farine, du lait, du sel et des œufs. Sucrée ou salée, légère ou gourmande, la crêpe est facile à réaliser, s'adapte à toutes les garnitures et plaît aux petits comme aux grands.

    crepes 03.jpg

    Les historiens établissent son origine à 7000 an avant Jésus Christ. A cette époque, d'après-eux, il s’agissait d’une galette assez épaisse, réalisée avec une pâte mêlant de l’eau et diverses céréales écrasées. Une pierre plate, bien chaude, permettra par la suite sa cuisson.

    Plus près de nous, on trouve la plus vieille recette répertoriée de crêpe dans « Le Ménagier de Paris » de 1390  :

    « Prenez de la fleur et destrempez d’œufs tant moyeux comme aubuns, osté le germe, et le deffaites d'eaue, et y mettez du sel et du vin, et batez longuement ensemble : puis mettez du sain sur le feu en une petite paelle de fer, ou moitié sain ou moitié beurre frais, et faites fremier ; et adonc aiez une escuelle percée d'un pertuis gros comme vostre petit doit, et adonc mettez de celle boulie dedans l'escuelle en commençant au milieu et laissiez filer tout autour de la paelle ; puis mettez en un plat, et de la poudre de sucre dessus. »

    crepes 01.jpg

    Miniature du Ménagier de Paris.

    La plus célèbre des crêpes est certainement la crêpe Suzette qui doit son nom à Suzanne Reichenberg (1853-1924), actrice de la Comédie-Française. Dessert traditionnel fait d'une crêpe accompagnée d’une sauce au beurre, au sucre caramélisé, au jus d'orange ou de mandarine, avec des zestes d’agrume et de l’alcool, en général du Grand Marnier.

    crepe suzette.jpeg

    Suzanne Reichenberg (1853-1924)

    Quant à la plus fine, la crêpe dentelle, c'est une spécialité bretonne qui, comme souvent en cuisine, est née d'une maladresse de cuisinière. Une quimpéroise, Marie Catherine Cornic (1857-1917) aurait oublié sa crêpe fine sur le billig, la plaque en fonte sur laquelle on la fait cuire. Elle la plie délicatement en huit et de la met de côté. Un peut plus tard, elle s’aperçoit que le beurre et le sucre dont elle l’avait nappée ont doucement caramélisé et l’ont rendue, en refroidissant, croustillante à souhait.

    Allez, on s'y met !  Et bonne dégustation !

  • La soupe à la Reine

    "Marcher sur des œufs", "mettre tous ses œufs dans la même panier", "qui vole un œuf vole un bœuf", "tuer dans l’œuf"...  Les adages autour de la célèbre coquille ne manquent pas ! Ne doit-on pas à Jean de la Fontaine l'un des plus célèbres : « tuer la poule aux œufs d'or  »  ?

    L'Avarice perd tout en voulant tout gagner.
    Je ne veux pour le témoigner
    Que celui dont la Poule, à ce que dit la fable,
    Pondait tous les jours un œuf d'or.
    Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
    Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
    A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
    S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
    Belle leçon pour les gens chiches :
    Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
    Qui du soir au matin sont pauvres devenus
    Pour vouloir trop tôt être riches ?

    Ce qu'on sait moins en parlant des œufs, c'est que Napoléon disait leur devoir tout bonnement son salut gastrique ! Sujet à d'horribles constipations depuis l'enfance, le médecin en charge de sa santé sur l’Île de Sainte-Hélène, avait recueilli dans ses mémoires, les confidences de l'Empereur sur ce sujet. « Je suis parfois obligé, lui avait-il confié, d'y joindre les boissons douces, le bouillon aux herbes, la diète. Souvent même, tout ce régime ne suffit pas ; je suis forcé de recourir à mon remède héroïque, à la soupe à la reine : cette composition de lait, de jaune d’œuf et de sucre, produit sur moi l'effet d'un purgatif doux et me soulage. »

    soupe a la reine.jpg

    La recette du potage à la Reine date vraisemblablement du XVe siècle et rendrait hommage à Marguerite de Valois (1553-1615), première épouse d'Henri IV t(1553-1610). S'il était servi à cette époque à la table de la Cour une fois par semaine, le jeudi, il rentrait également dans les menus des dispensaires car ses ingrédients en faisaient un remède particulièrement fortifiant.

    la soupe a la reine.jpg

    Portrait de Marguerite de France vers 1574

    Sa délicatesse mais surtout son « modus operandi » justifiaient que son élaboration soit confiée à un pharmacien. Dans son « livre de cuisine » (Larousse, 1927), Madame Saint-Ange en a dévoilé la recette : au résumé, une purée de volaille, à laquelle du riz cuit et passé en même temps que celle-ci, apporte la cohésion nécessaire. En ancienne cuisine, on employait à la place du riz de la mie de pain trempée dans du bouillon.

    soupe a la reine 04.JPG

    Mise à point finale avec des jaunes d’œufs, de la crème et une proportion assez notable de beurre. Si la préparation de ce potage n'offre au demeurant aucune difficulté, l'emploi d'un mortier était indispensable !

     

    Biblio. « Revue d'histoire de la pharmacie » n°134 de 1952 et « L'Histoire à table » d'A. Castelot, Plon, 1972.