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HISTOIRES GOURMANDES - Page 5

  • La soupe à la Reine

    "Marcher sur des œufs", "mettre tous ses œufs dans la même panier", "qui vole un œuf vole un bœuf", "tuer dans l’œuf"...  Les adages autour de la célèbre coquille ne manquent pas ! Ne doit-on pas à Jean de la Fontaine l'un des plus célèbres : « tuer la poule aux œufs d'or  »  ?

    L'Avarice perd tout en voulant tout gagner.
    Je ne veux pour le témoigner
    Que celui dont la Poule, à ce que dit la fable,
    Pondait tous les jours un œuf d'or.
    Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
    Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
    A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
    S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
    Belle leçon pour les gens chiches :
    Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
    Qui du soir au matin sont pauvres devenus
    Pour vouloir trop tôt être riches ?

    Ce qu'on sait moins en parlant des œufs, c'est que Napoléon disait leur devoir tout bonnement son salut gastrique ! Sujet à d'horribles constipations depuis l'enfance, le médecin en charge de sa santé sur l’Île de Sainte-Hélène, avait recueilli dans ses mémoires, les confidences de l'Empereur sur ce sujet. « Je suis parfois obligé, lui avait-il confié, d'y joindre les boissons douces, le bouillon aux herbes, la diète. Souvent même, tout ce régime ne suffit pas ; je suis forcé de recourir à mon remède héroïque, à la soupe à la reine : cette composition de lait, de jaune d’œuf et de sucre, produit sur moi l'effet d'un purgatif doux et me soulage. »

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    La recette du potage à la Reine date vraisemblablement du XVe siècle et rendrait hommage à Marguerite de Valois (1553-1615), première épouse d'Henri IV t(1553-1610). S'il était servi à cette époque à la table de la Cour une fois par semaine, le jeudi, il rentrait également dans les menus des dispensaires car ses ingrédients en faisaient un remède particulièrement fortifiant.

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    Portrait de Marguerite de France vers 1574

    Sa délicatesse mais surtout son « modus operandi » justifiaient que son élaboration soit confiée à un pharmacien. Dans son « livre de cuisine » (Larousse, 1927), Madame Saint-Ange en a dévoilé la recette : au résumé, une purée de volaille, à laquelle du riz cuit et passé en même temps que celle-ci, apporte la cohésion nécessaire. En ancienne cuisine, on employait à la place du riz de la mie de pain trempée dans du bouillon.

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    Mise à point finale avec des jaunes d’œufs, de la crème et une proportion assez notable de beurre. Si la préparation de ce potage n'offre au demeurant aucune difficulté, l'emploi d'un mortier était indispensable !

     

    Biblio. « Revue d'histoire de la pharmacie » n°134 de 1952 et « L'Histoire à table » d'A. Castelot, Plon, 1972.

  • Et badadi et badadoit...

    Auguste Badoit (1796-1858) est un ligérien représentant en soierie qui, constatant le fort engouement que suscite le thermalisme, décide de se lancer à 36 ans dans l’exploitation des eaux de Saint-Galmier réputées pour leurs vertus médicinales et jusqu’alors uniquement consommées sur place par les curistes.

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    Buste d'Auguste Badoit - Office de tourisme de Saint-Galmier

    Bien que connue depuis l'Antiquité, la notoriété de cette pétillante eau auvergnate s'est enflammée en 1778, quand le médecin honoraire du roi Louis XVI (1754-1793) en personne, Marin Richard de Laprade (1744-1797) en fait l'éloge, la qualifiant d’ «d'eau apéritive et exhilarante », autrement dit qui stimule l’humeur et l’esprit, allant même jusqu'à la comparer au Champagne. C'est ainsi qu'au fil des ans, prendre les eaux devient tendance.

    En 1837, Auguste Badoit, en homme avisé, cherche des commanditaires et signe un bail à ferme avec la ville de Saint-Galmier (Loire) pour l’exploitation de l'une des sources, celle de la Fontfort située au-dessus de la plaine du Forez. Très vite ensuite, pour neutraliser la concurrence, il achètera les sources voisines qui porteront toutes désormais son nom.

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    Entrepreneur habile et précurseur, il comprend que, pour exister face aux grandes stations de thermalisme que sont celles notamment Vichy et Évian, son eau doit marquer sa différence. Il a alors cette idée originale du « thermalisme à domicile » : l'eau de Badoit sera la première eau minérale naturelle commercialisée en bouteilles ! Et il va dès lors s'employer à la commercialiser de plus en plus loin : d’abord dans les petits commerces locaux, principalement les pharmacies mais aussi certaines petites épiceries, puis dans la région lyonnaise et enfin jusqu’à Paris, Marseille et Nice et quelques grandes villes européennes.  Et ça marche ! A sa mort en 1858, on estime à 1,5 million le nombre de bouteilles écoulées par an, un chiffre exceptionnel pour l’époque. Un siècle plus tard, en 1958, la production annuelle atteint les 37 millions de bouteilles.  Un succès qui doit aussi beaucoup aux nombreuses campagnes publicitaires initiées dès 1842 et reprises ensuite avec succès par ses successeurs !

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    L'eau de Badoit a été reconnue d'utilité publique par l'Académie de médecine en 1897. A partir des années 1950, elle quittera définitivement les pharmacies pour être commercialisée dans les grandes surfaces.

    P.S. L'étymologie du patronyme « badoit» serait issu de l'ancien français « badois » signifiant « niais ». Bien loin de l'être Monsieur Badoit !

     

     

     

    Biblio. « Made in France » - France-Loisirs, 2011.

  • La toque du chef !

    Symbole de l'autorité et de la maîtrise culinaire, la toque des cuisiniers, haute, sans bords et plissée, a été réinventée au XIXe siècle. Pourquoi réinventée ? Parce qu'elle serait née il y a bien longtemps, sept siècles avant notre ère, au nord de la Mésopotamie. La légende raconte que, pour preuve de leur loyauté envers lui, le roi Assurbanipal d'Assyrie, se sentant menacé d'empoisonnement dans son palais par certains de ses chefs-cuisiniers mécontents, leur aurait ordonné de porter une coiffe semblable à la couronne royale. Une façon de les apaiser en leur donnant plus d'importance mais aussi de les distinguer des autres employés de cuisine. A moins que ce ne soient ces mêmes chefs-cuisiniers qui, persécutés par leur roi, après avoir trouvé refuge dans l'église orthodoxe grecque, auraient emprunté aux moines leur soutane et leur toque...

    toque,chefs-cuisiniers,toque du chef

    Quoi qu'il en soit, chez nous, au moins depuis le XVe siècle, les cuisiniers et aide-cuisiniers portent la « toca » espagnole, un couvre-chef en coton, sans bords et de forme cylindrique. Une sorte de bonnet de nuit raplapa qui ne peut bien entendu satisfaire « le roi des chefs et le chef des roi », Antonin Carême  (1784-1833), cuisinier du roi d'Angleterre George IV (1762-1830), de l'empereur François Ier d'Autriche (1768-1835) et du tsar russe Alexandre Ier (1777-1825), éternellement en quête d'anoblissement de son art. En 1821, lors de son séjour à Vienne au service de lord Charles Stewart (1779-1845) ambassadeur britannique en Autriche, cet éminent représentant de la haute gastronomie française glisse au fond de son bonnet un carton circulaire qui lui donne à la fois plus de hauteur et d'élégance. Au fil du temps, le carton fut remplacé par une baleine et la toque amidonnée.

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    Le chef étoilé Paul Bocuse, (1926 - 2018)

    Quelques années plus tard, en 1890, dans son hôtel de Londres, un autre grand nom de la gastronomie française, pionnier de la cuisine moderne, Auguste Escoffier (1846-1935) dépoussière la profession. Il modernise les brigades de cuisine en rationalisant la répartition des tâches de chacun et en exigeant de tous une tenue et un comportement irréprochables. Il impose un uniforme composé d'une veste blanche à deux rangées de boutons, d'un tour de cou, d'un tablier et d'un pantalon rayé, le tout coiffé d'une toque droite, plissée et immaculée dont la hauteur sera fonction du grade en cuisine du chef qui la porte. La plus haute de ces toques, la toque dite « Tour Eiffel » mesure tout de même 30 centimètres ! Quant aux plis qui la composent, sont-ils comme le prétendre certains fonction de la maîtrise culinaire du chef qui la porte ? Ou de ses années d’expérience ? A moins que, comme d’autres l'affirment, qu’ils correspondent au nombre de façon de préparer un œuf !

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    Mory Sacko, Paul Pairet et Marc Veyrat

    De nos jours, si la toque en papier, moins esthétique mais plus économique, tend à remplacer la toque en tissu, certains chefs d'aujourd'hui ont adopté d'autres couvre-chefs comme la casquette de baseball, le calot ou le bandana... ou tout simplement, n'en porte plus...

     

    Biblio. "Histoire de la cuisine et des cuisiniers"de E. Neirinck et J.-P. Poulain, Ed. Jacques Lanore, 1992.