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HISTOIRES GOURMANDES - Page 5

  • La toque du chef !

    Symbole de l'autorité et de la maîtrise culinaire, la toque des cuisiniers, haute, sans bords et plissée, a été réinventée au XIXe siècle. Pourquoi réinventée ? Parce qu'elle serait née il y a bien longtemps, sept siècles avant notre ère, au nord de la Mésopotamie. La légende raconte que, pour preuve de leur loyauté envers lui, le roi Assurbanipal d'Assyrie, se sentant menacé d'empoisonnement dans son palais par certains de ses chefs-cuisiniers mécontents, leur aurait ordonné de porter une coiffe semblable à la couronne royale. Une façon de les apaiser en leur donnant plus d'importance mais aussi de les distinguer des autres employés de cuisine. A moins que ce ne soient ces mêmes chefs-cuisiniers qui, persécutés par leur roi, après avoir trouvé refuge dans l'église orthodoxe grecque, auraient emprunté aux moines leur soutane et leur toque...

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    Quoi qu'il en soit, chez nous, au moins depuis le XVe siècle, les cuisiniers et aide-cuisiniers portent la « toca » espagnole, un couvre-chef en coton, sans bords et de forme cylindrique. Une sorte de bonnet de nuit raplapa qui ne peut bien entendu satisfaire « le roi des chefs et le chef des roi », Antonin Carême  (1784-1833), cuisinier du roi d'Angleterre George IV (1762-1830), de l'empereur François Ier d'Autriche (1768-1835) et du tsar russe Alexandre Ier (1777-1825), éternellement en quête d'anoblissement de son art. En 1821, lors de son séjour à Vienne au service de lord Charles Stewart (1779-1845) ambassadeur britannique en Autriche, cet éminent représentant de la haute gastronomie française glisse au fond de son bonnet un carton circulaire qui lui donne à la fois plus de hauteur et d'élégance. Au fil du temps, le carton fut remplacé par une baleine et la toque amidonnée.

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    Le chef étoilé Paul Bocuse, (1926 - 2018)

    Quelques années plus tard, en 1890, dans son hôtel de Londres, un autre grand nom de la gastronomie française, pionnier de la cuisine moderne, Auguste Escoffier (1846-1935) dépoussière la profession. Il modernise les brigades de cuisine en rationalisant la répartition des tâches de chacun et en exigeant de tous une tenue et un comportement irréprochables. Il impose un uniforme composé d'une veste blanche à deux rangées de boutons, d'un tour de cou, d'un tablier et d'un pantalon rayé, le tout coiffé d'une toque droite, plissée et immaculée dont la hauteur sera fonction du grade en cuisine du chef qui la porte. La plus haute de ces toques, la toque dite « Tour Eiffel » mesure tout de même 30 centimètres ! Quant aux plis qui la composent, sont-ils comme le prétendre certains fonction de la maîtrise culinaire du chef qui la porte ? Ou de ses années d’expérience ? A moins que, comme d’autres l'affirment, qu’ils correspondent au nombre de façon de préparer un œuf !

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    Mory Sacko, Paul Pairet et Marc Veyrat

    De nos jours, si la toque en papier, moins esthétique mais plus économique, tend à remplacer la toque en tissu, certains chefs d'aujourd'hui ont adopté d'autres couvre-chefs comme la casquette de baseball, le calot ou le bandana... ou tout simplement, n'en porte plus...

     

    Biblio. "Histoire de la cuisine et des cuisiniers"de E. Neirinck et J.-P. Poulain, Ed. Jacques Lanore, 1992.

  • De l'auberge au restaurant...

    « La Couronne » fondée en 1345 sur sur la place du Vieux-Marché de Rouen revendique le titre prestigieux de plus vieille auberge de France. Mais qu'en est-il du plus vieux restaurant de France ? Selon l'historien Pierre Jean-Baptiste Legrand d’Aussy (1737-1800), il s'agirait de celui de Chantoiseau fondé à Paris en 1765.

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    Auberge de La Couronne à Rouen (Seine-Maritime)

    « Restaurant ». Voilà un mot français qui a réussi à s'introduire tel quel ou presque dans nombre de langues étrangères ! Le terme est issu du latin « restaurare » signifiant « remettre en état » ou « remettre debout ». Et c'est bien pourquoi, à l'origine, le « restaurant »  désignait non pas comme aujourd'hui l'endroit où l'on se restaure mais le contenu de l'assiette qui était servie à ceux qui venaient récupérer des forces ! Pour eux, un bouillon« restaurant » fait de jus de viande concentré auquel était ajouté selon les chefs et les recettes, des légumes-racines, des oignons, des herbes, des épices, du sucre, du pain, des raisins...». C'est  cette définition du mot "restaurant" qu'entérina l'Académie dans l'édition 1798 de son dictionnaire.

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    La Tour d'Argent (1582), l'un des plus vieux restaurant de Paris

    À cette époque, la plupart des Français sont des paysans dont la priorité est de manger tout court. Le concept du “bien-manger” n'est qu'une préoccupation des plus riches. C'est à eux que Mathurin Roze de Chantoiseau aidé de son associé le sieur Pontaillé, cuisinier de son état, va s'adresser en créant le premier « restaurant » de l'histoire du royaume de France ! L'établissement qu'il ouvre en cette année 1765 à Paris, rue des Poulies (sur le tracé de l'actuelle rue du Louvre) a pour enseigne la seconde partie d'un verset de l’Évangile selon Matthieu «et ego restaurabo vos  » ( Venez tous à moi, vous dont l’estomac crie misère, « et je vous restaurerai »). Son propriétaire offre à la bonne société parisienne une grande variété de bouillons fortifiants mais pas que... Non seulement il ajoute à son menu des plats « plus solides » comme des pieds de mouton sauce blanche, des volailles au gros sel ou des œufs mais surtout il propose à sa clientèle un service qui va trancher sérieusement avec les habitudes de l'époque.

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    Scène dans une taverne française au XVIIIe siècle (peinture)

    Car les auberges et hôtels qui tiennent table d'hôtes en cette fin du XVIIIe siècle servent à heure fixe sur des tables collectives, un plat du jour unique qui, s'il tient au corps, ne régale pas vraiment les papilles. Et tant pis pour le voyageur qui arrive en retard et doit se contenter d'un plat déjà entamé. Tant pis s'il doit le partager avec des voisins de tables parfois encombrants ! Tant pis aussi si son addition est une mauvaise surprise ! Avec Chantoiseau, tout change ! Le client est traité comme un roi ! Il est servi dès son arrivée et peu importe l'heure. Il s'installe à la table individuelle de son choix. Il commande le plat qui lui fait envie et dont il a connaissance du prix avant de le déguster.

    Il faudra toute de même attendre soixante-dix années pour que, dans l'édition de 1835 de son Dictionnaire, l'Académie officialise enfin le nouveau sens du mot "restaurant" comme "établissement du restaurateur".

     

     

    Biblio. « Made in France » - France-Loisirs Ed., 2011 et « Et Paris inventa la gastronomie ! » Le Parisien – Histoires de Paris, n°17 – Novembre 2021.

  • Une beauté carthaginoise, un roman, un opéra et un petit gâteau...

    Tout est né d'un roman, celui du normand Gustave Flaubert (1821, Rouen - 1880, Croisset) dont en célèbre cette année le bi-centenaire de la naissance ! Son second roman, « Salammbô ». Un roman historique qui commence par ces mots « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar... »

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    Il a été publié le 14 novembre 1862, soit cinq ans après "Madame Bovary". Cette fois, l'histoire a pour toile de fond nonpas les mœurs de province mais le conflit qui opposa au IIIe siècle avant J.-C. la ville de Carthage en Tunisie aux Mercenaires barbares qu'elle avait employés pendant la première guerre punique. Le personnage éponyme de ce roman, Salammbô, fille du Général carthaginois Hamilcar, est prêtresse de la déesse Tanit. Fascinés par sa beauté, les guerriers Mâtho et Narr'Havas en tombent follement amoureux. Pour elle, Mâtho vole le voile de Tanit. Une véritable offense dont la survie de la ville de Carthage va dépendre. Pour le récupérer, Salammbô se donne à Mâtho. Les guerres se poursuivent et Mâtho est fait prisonnier. Il meurt torturé et déchiqueté par la foule. Victime de cette scène horrible dont elle est témoin, Salammbô, sur le point d'épouser Narr'Havas, trépasse à son tour.

    C'est en Normandie, à Croisset, petit hameau de Canteleu situé en Seine-Maritime, qu'à partir du 5 juin 1858, après plusieurs séjours de « repérage » et de prises de notes à Constantine, Tunis et Carthage, Flaubert entame la rédaction de son « Salammbô » qui lui demandera pas moins de 4 ans de travail. Sa propriété est située au bord de la Seine. Il l'a héritée de son père, le docteur Achille Cléophas Flaubert (1784-1846) qui l'avait acquise en 1844. Gustave y vivra 35 ans et c'est là qu'il écrira l'essentiel de son œuvre.

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    Ernest Reyer (1823-1909)

    Son ami, le compositeur français Ernest Reyer (1823-1909), s'inspira de cette histoire pour composer sa dernière grande œuvre. Son opéra « Salammbô », sera présenté en avant-première au Théâtre des Arts de Rouen, le 23 novembre 1890.

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    Et c'est la même année que, pour célébrer le succès de cet opéra, un pâtissier parisien créera le « Salambo », un délicieux petit gâteau plus large et plus court qu'un éclair, en pâte à choux garni de crème pâtissière au kirsch puis glacé au fondant vert ou caramel et nappé sur l'une de ses extrémités de vermicelles en chocolat.