A ce jour, personne n'est en mesure de déterminer les origines de ce monument épique du XIe siècle qu'est "la Chanson de Roland". Cette chanson de geste, composée de 9000 vers dans sa version la plus ancienne, relate le combat fatal à la bataille de Roncevaux en 778 du chevalier Roland, marquis des marches de Bretagne, territoire composé des comtés francs du Rennais, du Nantais, du Vannetais, ainsi que d'une partie du Maine, et de ses fidèles preux contre une armée Vasconne en représailles au pillage de Pampelune.
Bataille de Roncevaux en 778 - Mort de Roland -
Grandes chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, v. 1455–1460, BNF
Roland ou Hruotland (Hruodland en francique), dit « Roland le preux », chevalier né dans la région de Trêves, d'après la légende, neveu de Charlemagne, fut chargé de défendre la frontière du royaume des Francs contre les Bretons.
Statue de Roland à Brême (Allemagne)
Si nombre de thèses s'affrontent autour de la question, une seule certitude s'impose : le manuscrit le plus ancien datant des années 1170 et le plus complet qui la contient, redécouvert en 1834 par l'abbé de La Rue (1751-1835) et considéré aujourd'hui par les historiens comme étant l'original, est rédigé en anglo-normand, la langue des élites continentales outre-Manche au XIIe siècle.
Dernier feuillet du manuscrit le plus ancien
Ce texte s'achève par ce vers sibyllin : "Ci-fait le geste que Turoldus declinet" (Ainsi s'achève l'histoire que Turold raconte).
Mais qui est donc ce Turold ? Simple copiste ? Récitant reprenant une version antérieure aujourd'hui perdue ? Compositeur de génie ?... Rien de sûr sauf qu'il s'agit d'un normand ! En effet, l'emploi de ce prénom est strictement limité à la Normandie et l'on en connaît de nombreuses occurrences dans les chartes, pouillés et cartulaires relatifs à cette province. Il y apparaît généralement sous la forme latinisée de "Turoldus", tout comme dans la Chanson. Ce nom de personne, qui sorti de l'usage en tant que prénom, va, à partir du XIIe siècle, se perpétuer comme patronyme normand sous les formes encore connues aujourd'hui de Théroulde, Théroude, Touroude, Troude et Throude.
A noter qu'on retrouve le Turold de la chanson sur la Tapisserie de Bayeux. Car, malgré la fréquence de ce prénom, tout porte à croire qu'il s'agit là de la même personne.
Un dernier détail : les historiens s'accordent pour placer la rédaction de Chanson de Roland vers l'an 1100, au moment de la première croisade. Pourtant, à la bataille d'Hastings, le 14 octobre 1066, Taillefer, combattant aux côtés de Guillaume le Conquérant (1027/28-1087), aurait entonné celle-ci pour galvaniser ses troupes. Étrange ? Pas vraiment, car d'après le témoignage même de Turold, celui-ci aurait puisé son inspiration dans des œuvres antérieures et demeurées totalement inconnues...
Biblio. "Normandie Médiévale" - Le Routard - Ed. Hachette, 2018.