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PASSION GENEALOGIE, HISTOIRES de NORMANDIE et d'AILLEURS - Page 13

  • Anne de Kiev, reine des Francs

    Le Prince Philip d'Edimbourg (1921-2021), Felipe VI, les actuels roi d'Espagne Felipe VI et roi des Belges, Philippe, doivent leur prénom à leur ancêtre commune, la Reine des Francs, Anne de Kiev (1024/1032-1075/1089).

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    Représentation présumée d'Anne de Kiev dans une fresque dépeignant les filles (ou les fils ?)

    du grand-prince Iaroslav de Kiev - Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev - XIe siècle

    Il y a mille ans, cette jeune princesse d'environ 25 ans a parcouru plus de 2200 kilomètres, traversé l'Europe entière, pour épouser le 19 mai 1051 à Reims (marne) le petit-fils d'Hugues Capet (939/941-996), roi des Francs, Henri Ier (1008-1060). De vingt ans son aîné, il est veuf de Mathilde de Frise (1024-1044) et sans héritier. C'est ainsi qu'Anne de Kiev va tisser le premier lien historique entre la France et le monde des Slaves orientaux.

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    Échange de consentements entre Anne et le roi Henri Ier. Enluminure ornant les Chroniques de France ou de Saint-Denis (1332-1350 )

    Elle appartient à l'une des plus prestigieuses familles de son temps. Son père est le grand-prince chrétien de Kiev, Iaroslav le sage (978-1054) dont les enfants en âge de se marier ont fait de « beaux mariages ». L'un de ses fils a épousé la fille d'Harold d'Angleterre (1022-1066) qui sera battu par le normand Guillaume le Conquérant (1027/1028-1087) à Hastings. L'une de ses filles est reine de Norvège et une autre, reine de Hongrie. Ces Slaves d'Orient sont sous l'influence culturelle des Byzantins depuis leur récente christianisation, une conversion diffusée depuis Constantinople. Au XIème siècle, la riche ville de Kiev située sur la route commerciale entre l'Orient et l'Occident, est dix fois plus peuplée que Londres ou Paris. Capitale d’un état slave, nommé la Rus' de Kiev ou Ruthénie, elle est considérée comme la deuxième plus belle ville du monde après Byzance.

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    Signature en cyrillique d'Anne de Kiev

    On connaît peu de choses sur Anne de Kiev. Ni son visage, ni sa date de naissance, pas même la date de sa mort ni le lieu où elle a été ensevelie. Seules preuves de son existence aujourd'hui,  sa signature en cyrillique au bas d'une charte et l'Abbaye St-Vincent de Senlis qu'elle a fondée en 106. On lui doit aussi l'introduction du prénom Philippe, issu de la culture grecque ou byzantine et totalement inconnu à l'époque en Europe de l'Ouest, un prénom qu'elle a choisi pour son fils aîné, lequel règnera en qualité de Philippe Ier (1052-1108)et sera l'ancêtre de tous les rois de France jusqu'à Louis-Philippe (1773-1850).

  • On doit à cette normande le plus long roman de la littérature française...

    A la question « Quel est le plus long roman français », la réponse est « Artamene ou Le Grand Cyrus », une grande fresque romanesque que l'on doit à la havraise Madeleine de Scudéry (1607-1701), figure majeure de la littérature française, peut-être en collaboration avec son frère aîné Georges de Scudéry (1601-1667), lui aussi homme de lettres reconnu en son temps ! Une collaboration encore aujourd'hui mal élucidée. Est-ce par choix ou par contrainte imposée en raison de son sexe et de son rang, ou par réel souci de modestie féminine, Madeleine de Scudéry n’a jamais assumé de signer ses livres, ce qui ne l’a pas empêchée ni de tirer un prestige social de son activité, ni de se forger une réelle identité littéraire.

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    Acte de baptême de Madeleine de Scudéry – Arch. Dept. 76, 4E 2671, Le Havre, Paroisse Notre-Dame - 1605-1611

    « Artamene ou Le Grand Cyrus », c'est pas moins de 10 tomes, 13 095 pages et plus de 2 millions de mots utilisés pour narrer des histoires d'amour, d'enlèvements, de duels et d'intrigues de cour.

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    L’action, tout à la fois héroïque et galante, se déroule dans la Perse antique, sous le règne de Cambyse, et raconte les aventures héroïques et galantes du conquérant Cyrus, fils du roi de Perse, à la recherche de sa bien-aimée Mandane, fille du roi des Mèdes, Ciaxare.

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    Georges et Madeleine de Scudéry

    Un récit « à tiroirs » et « à clef » mettant en scènes plus de 400 personnages dont des personnalités de l'époque attachées au prince de Condé, mêlées aux événements de la Fronde et "fictionnalisées" sous les traits des personnages principaux. L’exemple le plus notoire est celui de la dédicataire du roman, Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville (1619-1679). Elle est représentée sous les traits de Mandane, l’amante de Cyrus, qui n'est autre que Louis II de Bourbon-Condé dit « Le Grand Condé » (1621-1686). A noter que, dans la dernière partie de son ouvrage, Madeleine de Scudéry se met elle-même en scène sous les traits de Sapho, l’illustre poétesse de l’Antiquité grecque, un nom qu’elle utilisera en pseudonyme dans l’une de ses œuvres.

    « Artamene ou Le Grand Cyrus » rencontra un succès immense lors de sa parution en 1651 . Il fut traduite en anglais, en allemand, en italien, en espagnol et même en arabe. Si sa longueur fut un frein à sa réimpression, sa démesure et ses invraisemblances lui valurent aussi une réputation d'illisibilité l'entraînant dans l'oubli...

     

  • Bizarreries de la langue française

    Le français est une langue pleine de subtilités mais à la grammaire quelquefois surprenante ! Tenez, prenez le nom commun « Aïeul » qu'on emploie fréquemment en généalogie. Étymologiquement, il est issu du latin « avus » signifiant « grand-père », à rapprocher au gothique « avô » pour « grand-mère » et à l'ancien nordique « afi » pour « grand-père ». Il donne en latin populaire le diminutif « aviolus » dont l'accusatif « aviolum » donne « aiol » (XIIIe siècle) qui aboutit à « aïeul » (XVIe siècle).

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    Ce qui est singulier, c'est que ce nom a deux pluriels : « aïeuls » avec un « s » quand il s'agit de désigner nos grands-parents, mais « aieux » avec un « x » quand il s'agit de désigner des ancêtres plus éloignés voire l'ensemble de personnes qui sont à l'origine d'une lignée continue ou appartiennent aux générations anciennes d'une lignée continue.

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    Autre exemple : pourquoi dit-on « grand-mère » et pas « grande-mère » ? Michel Feltin-Palas dans son excellent livre « Cultivons la langue française !* » explique que «du temps de l'ancien français, du IXe siècle au XIIe siècle environ, certains adjectifs ne prenaient pas de « e » au féminin. Comme cependant ils n'étaient pas nombreux, ils ont fini par s'aligner sur la règle majoritaire. L'adjectif « grant », qui s'écrivait alors avec un « t » en faisait partie. La « grant route » est devenue « la grande route » avec un « d ». Ce changement de dernière lettre est conforme à l’étymologie puisque le latin « grandis » prenait un « d » et que ce passage du « t » au « d » a permis d'établir un lien avec les autres mots de la même famille comme le verbe « grandir ».

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    Le « grand » de « grand-mère » a donc fait de la résistance puisque, au féminin, il a conservé sa forme ancienne. De même que de nombreuses villes ont conservé leur « grand-rue » ou leur « grand-place » et qu'on célèbre la « grand-messe » !

    A noter que tous les mots composés avec « grand » prennent désormais un trait d'union et non plus une apostrophe comme jadis mais l'Académie française accepte toutefois « grand'mère », conformément à l'usage ancien.

    Et pour finir, selon les Immortels, il convient d'écrire « des grand-mères » (sans « s » à « grand ») alors que Le Robert préconise « des grands-mères » (avec deux « s) et que le Larousse accepte les deux formes.

     

    * « Cultivons la langue française » de Michel Feltin-Palas, Héliopoles, novembre 2023