C'est chez nous, en Normandie, à Cherbourg (Manche) que s'est tenue les 25 et 26 septembre 1836 sur la grève, de la terrasse des bains à la redoute de Tourlaville, la toute première compétition officielle de trot en France.
Il faut savoir que dans l'hexagone, l’univers des courses hippiques se divise en deux mondes bien distincts : celui du galop et celui du trot. La première course de galop eut lieu le 9 mars 1775 sur la plaine des Sablons de Neuilly, sous l’œil curieux du roi Louis XVI (1754-1793) et de son épouse la Reine Marie-Antoinette (1755-1793) accompagnés de toute leur cour. Ce divertissement, importé d’Angleterre, va ravir les aristocrates qui voient en ces pur sang anglais l’incarnation du raffinement de la haute société.
Un siècle plus tard, soit au début du XIXe siècle, Ephrem Houël du Hamel (1807-1885), un officier des Haras nationaux en poste à Saint-Lô, est convaincu que « les courses au trot sont le seul moyen de relever le commerce du cheval en Normandie ». Ce pionnier de l’hippologie avait fait le triste constat d'équidés aux allures molles enfermés dans des écuries sombres et peu aérées d'où ils ne sortaient que très rarement. Pour inciter les éleveurs à s'occuper davantage de leurs bêtes et notamment à les nourrir convenablement, il imagina d'organiser une course de chevaux de pays auxquels sera imposée l'allure du trot afin de donner le spectacle d'une compétition groupée en évitant la dispersion au galop d'un peloton hétérogène et étiré.
Ephrem Houël du Hamel (1807-1885)
Une course de trotteurs destinée à attirer les passionnés anglais et à sélectionner les meilleurs chevaux pour tirer plus vite les voitures attelées de l’époque ? Personne n'y croit vraiment ! Mais l'homme s'obstine. Pour financer son projet, il fait appel à un producteur de vin de pays, Gustave-Joseph Le Magnen. Le commerçant est tout de suite séduit à l'idée de faire connaître ses produits à ses compatriotes britanniques. Un autre homme de cheval du Cotentin, Hippolyte de Tocqueville (1797-1877), le frère du célèbre penseur Alexis de Tocqueville (1805-1859), s'associera à l’initiative et la soutiendra.
C'est ainsi que, les 25 et 26 septembre 1836 , la Municipalité de Cherbourg est donc la première en France à proposer ce nouveau divertissement hippique. Un premier meeting qui ne fera pas le plein, loin de là : on y dénombre seulement 14 partants ! Mais l'idée est bel et bien lancée et elle ne s'arrêtera pas là. D'ailleurs, la ville conforte l'expérience dès l'année suivante et la renouvellera ensuite régulièrement avec toujours plus de succès.
D'autres villes comme Caen et Dieppe en 1837, Saint-Lô, Angers et Boulogne-sur-Mer en 1838 et Langonnet en 1839 vont lui emboiter le pas. Aujourd'hui, il existe 234 hippodromes en France (dont 14 dans le seul département de la Manche) où près de 11 000 courses de trotteurs et 6 000 courses de galopeurs y sont organisées chaque année.
Au fil des siècles, le travail de sélection génétique initié par Ephrem Houël du Hamel a payé même s’il ne s’agit plus de tirer les carrioles. Jusqu’à ces dernières années « cinq cracks ont foulé la piste de l’hippodrome cherbourgeois de La Glacerie dans leur jeunesse, puis ont gagné la plus célèbre course de trotteurs, celle du Grand Prix d’Amérique » qui a lieu chaque année le dernier dimanche de janvier sur l’hippodrome de Vincennes.