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ONOMASTIQUE - Page 3

  • Du latin de cuisine pour le prince des gastronomes

    « La littérature et la gastronomie sont inséparable, l'une est la fille de l'autre. La gastronomie est née le jour ou de grands écrivains ont consacré leur talent aux choses de la table. L'œuvre des cuisiniers n'a de raison de durer... qu’autant que les gourmets en parlent et en écrivent »

    Curnonsky, "Paris-Soir", 2 juin 1929

     

    Maurice Edmond Sailland est né à Angers (Maine-et-Loire), le 12 octobre 1872. Ce nom ne vous dit rien. Normal, car c'est sous le speudonyme qu'il s'est choisi de Curnonsky qu'il entrera dans l'histoire. Ce critique culinaire doit en réalité son "nom de scène" à la fois à un normand et au "latin de cuisine", cette imitation à but humoristique du latin, qui n’a avec le vrai que quelques assonances.

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    Archives Départementales du Maine-et-Loire" - Angers - 3ème arrondissement -

    Registre des naissances de l'année 1872

    Toute sa vie, l'homme s'attachera à défendre et à mettre en valeur la grande cuisine des terroirs. Son talent, son embonpoint et son appétit légendaire vont faire de lui une des grandes figures de la chronique gastronomique. Sa carrière, il l'a commence comme journaliste. En 1895, il devient l'un des nègres littéraire de Willy (1859-1931), le premier mari de Colette (1873-1954). C'est l'époque où il publie ses tous premiers romans tout en prêtant sa plume à la publicité et en rédigeant régulièrement des articles de presse.

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    Maurice Edmond Sailland dit Curnonssy (1872-1956)

    C'est aussi à cette époque, et plus exactement le 12 juin 1895, que pour la première fois dans le quotidien de presse "Gil Blas", il signe un article sous le pseudonyme de Maurice Curnonsky.

    Ce nom de plume, c'est le normand Alphonse Allais (1854-1905) qui lui aurait suggéré. "Pourquoi pas Sky", lui aurait-il soufflé, un nom "à la mode russe" qui colle bien à l'actualité de l'époque : la France et l'Empire russe sont alors en pleine négociation d'un accord de coopération, "l'Alliance Franco-Russe" qui restera en vigueur jusqu'en 1917. Le prenant au mot, Saillant qui, par ailleurs était un latiniste averti, se baptisa sur le champ "Curnonsky", "Cur" en latin signifiant "pourquoi" et "non" "pas". Plus tard, quand il traitera de gastronomie, il se contentera cependant de signer "Cur".

    Choisissant de se spécialiser dans la bonne chère, avec pour grand cheval de bataille la connaissance et la défense de la «cuisine régionale», il passe sa vie dans les restaurants et les cafés, de Paris et des quatre coins de la France. Au service d'une seule et même cause, celle d'une cuisine simple, sans fioritures, "quand les choses ont le goût de ce qu'elles sont", il publie à partir de 1921 avec Marcel Rouff (1877-1936) "La France gastronomique", une collection planifiée de 32 fascicules sur la cuisine régionale et les meilleurs restaurants de France, qui sera suivie en 1933, en collaboration avec Austin de Croze (1866-1937), du "Trésor gastronomique de France. Répertoire complet des spécialités gourmandes des 32 provinces françaises".

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    Recettes des Provinces de France - Édition 1962

    Le 16 mai 1927, la revue "Le bon gîte et la bonne table" lance l'idée d'une élection pour désigner "un Prince des Gastronomes". 3388 électeurs (gourmets fameux, chefs, hôteliers, membres de clubs et sociétés gastronomiques...) vont ainsi donner une majorité de voix à Curnonsky qui est alors un journaliste et auteur gastronomique aussi connu que reconnu".

    Poursuivant sa carrière, il lancera en juillet 1947 le mensuel "Cuisine de France" qui deviendra "Cuisine et Vins de France" en 1948 et qui donnera naissance en 1953 à un monumental ouvrage du même nom, "3000 recettes les plus réputées des régions de France", édité par Larousse, signé Curnonsky, réédité jusqu’en 1987.

    Décédé le 22 juillet 1956 d'une chute de la fenêtre de son appartement parisien au troisième étage du 14, Place Henri-Bergson, il est inhumé dans le cimetière de Beauchamp (Val-d'Oise).

    Ayant contribué grandement à la renommée de l'art culinaire, en 2010, lorsque le repas gastronomique à la française sera inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité, un vibrant hommage lui sera rendu par l'acteur Gérard Depardieu.

  • Chauffe Marcel !

    Milieu du XIXe siècle. Au cœur de la ville de Paris. Les « forts des halles » sont à l'ouvrage. Ces manutentionnaires sont facilement identifiables grâce à leur vastes chapeaux, « le coltin », lesquels, dotés d’un disque de plomb, permettent de supporter de lourdes charges sur la tête. D'ailleurs, pour être embauchés, ils devaient montrer qu'ils étaient capables de porter une charge de 200 kg sur une distance de 60 mètres. Ensuite, dix heures par jour et par tous les temps, été comme hiver, avec leurs lourds chargements sur le dos ou à bout de bras, ces costauds sillonnaient les allées des halles de la capitale, l'un des plus grands marchés du monde qu' Émile Zola (1840-1902) avait baptisé «le ventre de Paris ».

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    Pour se protéger du froid glacial et surtout des courants d'air, sous leur blouse, ils se couvrent de plusieurs vêtements de laine, des tenues qui, si elles protègent efficacement les reins, nuisent cruellement à l'aisance gestuelle.

    C'est pour cette raison qu'un jour, l'un d'entre-eux, se sentant par trop entravé dans ses mouvements, va avoir l'idée, afin de  libérer ses bras, de couper les manches de son vêtement de corps. Sans le savoir, cet homme va lancer la mode du débardeur.

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    C'est là une révolution vestimentaire qui va intéresser Marcel Eisenberg, un bonnetier de Roanne (Loire). Dans son usine de confection, il sera le premier à produire en série ce nouveau maillot de corps sans manche auquel il donne son propre prénom, « Marcel », un prénom dérivé du latin « marcus » qu'on peut rapprocher du grec « martikos » signifiant « consacré au dieu Mars ».

    Très vite, son « marcel » va être adopté par les ouvriers et les agriculteurs qui, appréciant son confort, le portent sous leur chemise, avant d'aller rejoindre le paquetage des Poilus de la Première Guerre mondiale et plus tard encore la valise des premiers bénéficiaires des congés payés.

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    Charles Vanel (1892-1989) et Yves Montand (1921-1991) dans « Le salaire de la peur » (1953)

    En 1951, dans 'Un tramway nommé désir, », le marcel s'affiche on ne peut plus « sexy » sur le torse viril de l'acteur américain Marlon Brando (1924-2004). Séduits, d'autres artistes vont lui emboîter le pas comme Yves Montand (1921-1991) dans « Le salaire de la peur » en 1953, Robert de Niro dans « Raging Bull » en 1980 ou Bruce Willis dan s « Piège de cristal » en 1988.

    Adopté par la gente féminine, le « marcel », en coton et près du corps, ne tardera à se faire un nom de ce prénom en entrant triomphalement tant sur les podiums des créateurs que dans l'édition de 1980 de notre dictionnaire !

     

    Merci au site //lestricotsmarcel.com/pages/histoire

  • De la politique au théâtre

    Marius Escartefigue : un nom qui sent bon la Provence, le Vieux-Port de Marseille et bien sûr Marcel Pagnol (1895-1974). C'est en 1929 que "naît" sous sa plume "Marius", premier acte d'une trilogie théâtrale qui fera l'objet d'une adaptation cinématographique en 1931. Pierre Fresnay (1897-1975) et Paul Dullac (1882-1941) en sont les interprètes. Le premier incarne Marius Ollivier, le fils de César propriétaire du bar de la Marine, qui, bien qu'amoureux de Fanny, décide de partir à l'aventure sur les océans. Le second prête ses traits à Félix Escartefigue, mari honteusement trompé et capitaine du « ferry-boite » lequel effectue des allers-retours dans le Vieux-Port plusieurs fois par jour.

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    Paul Dullac dans le rôle d'Escartefigue

     

    "Squarciafichi" qui a donné "Escartefigue" en provençal, est un patronyme d'origines ligures-génoises que l'on peut traduire par "déchirer les figues". Il peut s'agir soit d'un lieu-dit soit d'un sobriquet. En effet, en dialecte ligure, le mot "figue" désigne également le sexe féminin et, en Provence, être qualifié "d'Escartefigue", c'est être un conjoint déshonoré.

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    Marius Escartefigue (1872-1957)

     

    Savez-vous que Marius Escartefigue a réellement existé ? Cet ingénieur civil, né à Marseille, le 2 novembre 1872, fut élu, malgré une réputation souvent mise à mal, maire de la ville de Toulon de 1904 à 1909 et Président du Conseil Général du Var durant deux mandats, de 1928 à 1932 puis de 1936 à 1940. Epinglé à de multiples reprises pour des montages financiers qualifiés d'« acrobatiques », condamné pour escroquerie au préjudice de l'Etat en avril 1916, traînant de surcroît, au sortir de la Première-Guerre Mondiale, une casquette de déserteur, il entreprendra avec succès la reconquête de sa mairie. Après avoir voté en Juillet 1940 en faveur de la remise des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, il sera démis de son mandat départemental en novembre de la même année.

     

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    "Cherbourg éclair" - Journal du 19 avril 1916

     

    Durant toutes ces années, l'homme fait régulièrement la une de la presse. C'est, semble-t'il, le bruit médiatique fait autour de son nom qui inspira à Marcel Pagnol les patronymes de ses héros.

     

     

    Biblio. "L'Evêque Cauchon et autres noms ridicules de l'histoire" de B. Fuligni - Ed. Les Arènes, 2017.