Il est des patronymes plus faciles à porter que d'autres. Des patronymes qui, s'ils font sourire, ont quelquefois lésé gravement ceux qui les portaient. C'est le cas de François de Daillon de La Crotte lequel, à cause de son nom, sera victime d'une véritable injustice historique.
Voyez plutôt. Fils de Jehan des Habiletés de Daillon, seigneur du Lude (1413-1481) et Gouverneur du Dauphiné, et de son épouse Marie de Laval, François de Daillon a hérité d'une seigneurie nommée « La Crotte » dont on ignore encore aujourd'hui où elle se trouve exactement tellement de lieux-dits portant ce nom sont nombreux en France. Le mot est issu du grec « kruptë » signifiant « voûte souterraine » qui a donné le nom commun « crypte ». Le crot, la crotte ou la cropte », c’est donc une grotte, un trou ou une caverne.
Portrait du roi Louis XII (1462-1515)
François de Daillon de La Crotte était connu comme l'un des plus braves officiers du roi louis XII (1462-1515). S'étant fait remarquer par ses faits d'armes à la bataille de Saint-Aubin du Cormier (1488), puis, durant les guerres d'Italie, à celle de Fornoue (1495), il fut nommé gouverneur de la ville de Legnago, place forte prise aux Vénitiens. À la tête d'une compagnie de cent hommes d'armes, il mourut glorieusement à la bataille Ravenne le 11 avril 1512.
La bataille de Ravenne (1512)
Pierre de Bourdeille dit Brantôme (1540 ?-1614) a raconté sa fin dans « la vie des hommes illustres » : « il fut un des premiers qui donna la première charge…, où il fut fort blessé, et son cheval aussi…Rien, rien dit-il, je veux faire icy mon cimetière et mon cheval me servira de tombe, car il faut qu’il me serve encore et que luy et moi mourions ensemble. Par quoy et le maistre et le cheval moururent ensemble, en combattant jusques à la dernière goutte de sang et de vigueur, tombèrent ensemble et luy dessous, et ainsi mourut-il, et fut-il ensevely pour le coup comme il l’avoit dit et le vouloit. Sa sœur le contoit ainsi. »
Représentation du Chevalier Bayard
Sa sœur, c'est Louise de Daillon. C'est grâce à elle qu'on sait qu'« On appeloit communément Messieurs de Bayard, de la Crotte, et le capitaine de Fontrailles, Chevaliers sans peur et sans reproche…aussi tenoit-on ces trois-là pour les plus hazardeux et ausquels rien n’estoit de trop froid ny chaud. Je l’ay ainsi ouy dire à feu ma grand-mère. ».
Est-ce pour éviter les éclats de rire des écoliers que les pédagogues de la IIIe République ne vont retenir dans les livres d'histoire que le nom de Bayard comme « chevalier sans peur et sans reproche » en balayant prestement notamment celui du vaillant La Crotte ?
Biblio. « L'évêque Cauchon et autres noms ridicules de l'histoire » de B. Fuligni – Ed. Les Arènes, 2017.