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NORMANDS CELEBRES

  • Le manoir normand de Sacha Guitry

    En 1911, l'auteur prolifique Sacha Guitry (1885-1957) choisit la Normandie pour sa résidence d’été. A Yainville (Seine-Maritime), non loin de Jumièges, dans les boucles de la Seine, entre Rouen et Honfleur, il est séduit par le charme d'un magnifique manoir anglo-normand du XIXe siècle d'une superficie de 800m2 habitable, au cœur d'un parc de 20 hectares planté de chênes, de hêtres et d’érables. Le peintre Maurice Ray (1863-1938) a vécu sur ces terres qui ont appartenu un temps au père du romancier Maurice Leblanc (1864-1941) et l'écrivain Roger Martin du Gard (1881-1958) y a écrit ses premières œuvres.

    La bâtisse est située aux abords du village, au bout d’une longue allée bordée de grands cèdres. A colombages, doté d'un belvédère qui surplombe la Seine, elle est couverte de tuiles vernissées avec des épis de faîtage en céramique colorée.

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    Après deux ans de travaux destinés à en faire un lieu de réception particulièrement agréable voire luxueux, Sacha Guitry prend possession des lieux en 1913. Il choisit de baptiser sa propriété "le manoir des Zoaques", un nom tiré de l'anglais "The oaks", les chênes, présents dans le parc. « Chez les Zoaques » sera aussi le titre d'une comédie en trois actes qu'il crée au théâtre Antoine le 5 novembre 1906 et qui met en scène une peuplade primitive imaginaire...

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    C'est ici que l’homme aux 36 films et 124 pièces de théâtre écrira ses premiers films « la Pèlerine Ecossaise » et « Deux couverts ». Avec son épouse Charlotte Lysès (1877-1956), il y reçoit aussi de nombreux amis comme Claude Monet (1840-1926) qui redessinera le jardin et l'agrémentera de rhododendrons et de roses, Marguerite Moreno (1871-1948), Jules Renard (864-1910) ou Octave Mirbeau (1848-1917). A leur intention, il crée un règlement intérieur dont le premier article donne le ton : « Vous êtes ici chez vous. Mais rendez-vous compte que c'est une façon de parler. » En 1916, avec l'arrivée de la guerre et surtout la mésentente conjugale, Sacha Guitry quitte les lieux pour s'installer à Guitry (Eure) avec Yvonne Printemps. Charlotte Lysés continuera à venir aux Zoaques jusqu'en 1921. Le couple divorcera le 17 juillet 1918.

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    Les liens de Sacha Guitry avec la Normandie ne se limitent pas à cette propriété de Yainville. Ses racines paternelles sont à Merlerault (Orne) et celles de sa mère à Cherbourg (Manche) et dans sa région. C'est en Normandie aussi qu'enfant il passait ses vacances : à Barneville-la-Bertran (Calvados), Villerville (Calvados) et Dieppe (Seine-Maritime). C'est au casino de Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime) qu'il à commencé en 1905 sa carrière de comédien. Et c'est à Honfleur (Calvados) qu'il a épousé le 14 août 1907 Charlotte Lysès, la première de ses cinq épouses.

  • Le journal de Jean Héroard

    Jean Heroard, médecin-vétérinaire-zoologiste et anatomiste normand né à Hauteville-la-Guichard (Manche) le 22 juillet 1551, est attaché dès sa naissance au fils du roi Henri IV (1553-1610) et de son épouse Marie de Médicis (1575-1642), c'est-à-dire au futur roi Louis XIII (1601-1643). Et c'est en cette qualité qu'il va noter régulièrement et scrupuleusement les moindres détails de l'existence du petit prince. Sa santé bien sûr mais aussi ses jeux, son alimentation et sa manière de parler à ses parents, aux domestiques, aux artisans et à ses gouvernantes !

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    Portrait de Jean Héroard (1551-1628)

     

    Grâce à ces notes rassemblées dans un « Journal de la vie active du roi Louis », un document unique et incomparable, on peut notamment cerner la manière dont l'enfant s'exprimait. D'autant qu'Heroard a pris soin de transcrire ces propos de manière phonique.

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    Le roi Henri IV, son épouse Marie de Médicis et leurs enfants : Louis, l'aîné, Élisabeth, Christine et Monsieur d'Orléans

    On sait ainsi que la voyelle « o » est souvent prononcée « ou » par l'enfant  : « boune » pour « bonne », « mousseu » pour «monsieur » . Le « ne » est allègrement oublié dans les négations : « Le dites pas au Roi mon père » . Beaucoup de consonnes finales ne sont pas prononcées : « fils » se résume à « fi ».De même le « s » à l'intérieur de certaines syllabes disparaît parfois : « jusque » devient « juque », « reste » « rete ».

    Le pronom impersonnel est régulièrement omis : il ne prononce pas « il faut dire » mais «faut dire ». Le sujet et le verbe ne sont pas systématiquement inversés dans les phrases interrogatives : « Papa vient ? » Le dauphin emploie aussi volontiers la syllabe « ti » (abréviation de « t-il ») comme dans « La vela ti pas » ou « Y a-ti longtemps ? »

    Quant à la syntaxe, si elle n'est pas toujours académique (« J'y veu allé moi à la guerre »), elle est parfois tout simplement remarquable. Peu après l'assassinat de son père le 14 mai 1610, l'enfant d'à peine 9 ans s'insurge par ces mots :« Ha ! Si je y eusse été avec mon épée, je l'eusse tué ! »

    A noter que Louis mange aussi certaines syllabes : « Je ne saurais ast'heure parler au Roi mon père pour vous».

    Cependant, Michel Feltin-Palas, dans son livre « Cultivons la langue française* » nous met en garde : les propos retracés dans le journal d'Heroard ne sauraient être considérés comme représentatifs du langage employé par l'ensemble de la société française du XVIIe siècle. Il ne s'agit là que des propos d'enfant souffrant par ailleurs de bégaiement ! En déduire qu'il s'exprimait comme tous les francophones de son époque serait une erreur !

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    Jean Heroard restera dévoué au roi jusqu'à sa mort dans sa soixante-dix-huitième année, le 11 février 1628 lors du siège de la Rochelle. Louis XIII, qui n'a pas encore 27 ans, prononcera ces paroles : « j'avais encore bien besoin de lui ! »

     

    * »Cultivons la langue française ! » - Héliopoles, 2023.

  • On doit à cette normande le plus long roman de la littérature française...

    A la question « Quel est le plus long roman français », la réponse est « Artamene ou Le Grand Cyrus », une grande fresque romanesque que l'on doit à la havraise Madeleine de Scudéry (1607-1701), figure majeure de la littérature française, peut-être en collaboration avec son frère aîné Georges de Scudéry (1601-1667), lui aussi homme de lettres reconnu en son temps ! Une collaboration encore aujourd'hui mal élucidée. Est-ce par choix ou par contrainte imposée en raison de son sexe et de son rang, ou par réel souci de modestie féminine, Madeleine de Scudéry n’a jamais assumé de signer ses livres, ce qui ne l’a pas empêchée ni de tirer un prestige social de son activité, ni de se forger une réelle identité littéraire.

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    Acte de baptême de Madeleine de Scudéry – Arch. Dept. 76, 4E 2671, Le Havre, Paroisse Notre-Dame - 1605-1611

    « Artamene ou Le Grand Cyrus », c'est pas moins de 10 tomes, 13 095 pages et plus de 2 millions de mots utilisés pour narrer des histoires d'amour, d'enlèvements, de duels et d'intrigues de cour.

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    L’action, tout à la fois héroïque et galante, se déroule dans la Perse antique, sous le règne de Cambyse, et raconte les aventures héroïques et galantes du conquérant Cyrus, fils du roi de Perse, à la recherche de sa bien-aimée Mandane, fille du roi des Mèdes, Ciaxare.

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    Georges et Madeleine de Scudéry

    Un récit « à tiroirs » et « à clef » mettant en scènes plus de 400 personnages dont des personnalités de l'époque attachées au prince de Condé, mêlées aux événements de la Fronde et "fictionnalisées" sous les traits des personnages principaux. L’exemple le plus notoire est celui de la dédicataire du roman, Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville (1619-1679). Elle est représentée sous les traits de Mandane, l’amante de Cyrus, qui n'est autre que Louis II de Bourbon-Condé dit « Le Grand Condé » (1621-1686). A noter que, dans la dernière partie de son ouvrage, Madeleine de Scudéry se met elle-même en scène sous les traits de Sapho, l’illustre poétesse de l’Antiquité grecque, un nom qu’elle utilisera en pseudonyme dans l’une de ses œuvres.

    « Artamene ou Le Grand Cyrus » rencontra un succès immense lors de sa parution en 1651 . Il fut traduite en anglais, en allemand, en italien, en espagnol et même en arabe. Si sa longueur fut un frein à sa réimpression, sa démesure et ses invraisemblances lui valurent aussi une réputation d'illisibilité l'entraînant dans l'oubli...