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  • Comment peut-on perdre trois fois la même jambe ?

    C'est pourtant ce qui est arrivé au normand René Georges le Pelley de Pléville, né à Granville (Manche), le 18 juin1726. Issu d'une très ancienne famille de la bourgeoisie granvillaise qui a fait fortune dans les armements maritimes, c'est à la mort de son père en 1739 qu'il embarque comme volontaire sur un morutier. Un an plus tard, il rejoint Le Havre pour s'engager comme enseigne sur un bateau à destination du Quebec.

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    René Georges le Pelley de Pléville (1726-1805)

    Il n'a seulement que 14 ans et pour lui l'aventure commence ! En 1744, quand éclate la guerre avec l'Angleterre, il sert sur un corsaire havrais. Et c'est lors d'une attaque qu'un boulet de canon ennemi lui arrache la jambe droite. Amputé à la scie à tout juste 18 ans, il va désormais marcher avec un pilon. Qu'importe, à peine rétabli, il reprend la mer. Moins d'un an plus tard, un boulet emporte... sa jambe de bois ! Ouf !.... « Le boulet s'est trompé, dit-il, il n'a donné de l'ouvrage qu'au charpentier ! »

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    En 1748, après la signature du traité d'Aix-la-Chapelle, la paix un temps revenue, le voici à 23 ans plus jeune capitaine de la marine de commerce française. Les années passent puis les hostilités avec l'Angleterre reprennent de plus belle. Il commande « L'Hirondelle » quand, le 8 avril 1762, affrontant trois navires corsaires de la Compagnie anglaise des Indes, un boulet vient à nouveau fracasser sa jambe de bois. « C'est la troisième fois que je perds la même jambe » dit-il en riant. Et heureusement ce sera aussi la dernière !

    le pelley de pléville,corsaire normand,ministre de la marine

    Sculpture de Serge Santucci - Roc de Granville

    En 1762, il est fait Lieutenant de frégate de la Marine royale puis Capitaine de port à la Martinique, avant d'être affecté au commandement du port de Marseille.

    Après la Révolution, il est nommé auprès du ministre de la Marine avant de devenir à son tout Ministre de la Marine et des Colonies en 1797, un poste qu'il va conserver sous le Consulat avant de prendre à l'âge de 72 ans le commandement des armées et des ports de la République de la mer Adriatique. Le 3 nivôse an VIII (24 décembre 1799), le premier Consul le nomme dans la liste des soixante premiers sénateurs et, le 9 vendémiaire an XII (2 octobre 1803), dès la création de la Légion d’honneur, il est fait chevalier de l'ordre avant d'être promu ensuite Grand-Officier le 25 prairial an XIII (14 juin 1805) .

    C'est couvert d'honneurs bien mérités que l'ancien corsaire granvillais, rescapé de plus de cent combats, s'éteint dans son lit à Paris le 2 octobre 1805.

     

     

    Biblio. « Histoire secrète de la Normandie » d' I. Bournier – Ed. Ouest-France, 2019.

    * Image centrale : Dessin d'E. Chaunu in "50 nouveaux portraits d'Illustres Normands" - Ouest-France, 2012.

  • De l'auberge au restaurant...

    « La Couronne » fondée en 1345 sur sur la place du Vieux-Marché de Rouen revendique le titre prestigieux de plus vieille auberge de France. Mais qu'en est-il du plus vieux restaurant de France ? Selon l'historien Pierre Jean-Baptiste Legrand d’Aussy (1737-1800), il s'agirait de celui de Chantoiseau fondé à Paris en 1765.

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    Auberge de La Couronne à Rouen (Seine-Maritime)

    « Restaurant ». Voilà un mot français qui a réussi à s'introduire tel quel ou presque dans nombre de langues étrangères ! Le terme est issu du latin « restaurare » signifiant « remettre en état » ou « remettre debout ». Et c'est bien pourquoi, à l'origine, le « restaurant »  désignait non pas comme aujourd'hui l'endroit où l'on se restaure mais le contenu de l'assiette qui était servie à ceux qui venaient récupérer des forces ! Pour eux, un bouillon« restaurant » fait de jus de viande concentré auquel était ajouté selon les chefs et les recettes, des légumes-racines, des oignons, des herbes, des épices, du sucre, du pain, des raisins...». C'est  cette définition du mot "restaurant" qu'entérina l'Académie dans l'édition 1798 de son dictionnaire.

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    La Tour d'Argent (1582), l'un des plus vieux restaurant de Paris

    À cette époque, la plupart des Français sont des paysans dont la priorité est de manger tout court. Le concept du “bien-manger” n'est qu'une préoccupation des plus riches. C'est à eux que Mathurin Roze de Chantoiseau aidé de son associé le sieur Pontaillé, cuisinier de son état, va s'adresser en créant le premier « restaurant » de l'histoire du royaume de France ! L'établissement qu'il ouvre en cette année 1765 à Paris, rue des Poulies (sur le tracé de l'actuelle rue du Louvre) a pour enseigne la seconde partie d'un verset de l’Évangile selon Matthieu «et ego restaurabo vos  » ( Venez tous à moi, vous dont l’estomac crie misère, « et je vous restaurerai »). Son propriétaire offre à la bonne société parisienne une grande variété de bouillons fortifiants mais pas que... Non seulement il ajoute à son menu des plats « plus solides » comme des pieds de mouton sauce blanche, des volailles au gros sel ou des œufs mais surtout il propose à sa clientèle un service qui va trancher sérieusement avec les habitudes de l'époque.

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    Scène dans une taverne française au XVIIIe siècle (peinture)

    Car les auberges et hôtels qui tiennent table d'hôtes en cette fin du XVIIIe siècle servent à heure fixe sur des tables collectives, un plat du jour unique qui, s'il tient au corps, ne régale pas vraiment les papilles. Et tant pis pour le voyageur qui arrive en retard et doit se contenter d'un plat déjà entamé. Tant pis s'il doit le partager avec des voisins de tables parfois encombrants ! Tant pis aussi si son addition est une mauvaise surprise ! Avec Chantoiseau, tout change ! Le client est traité comme un roi ! Il est servi dès son arrivée et peu importe l'heure. Il s'installe à la table individuelle de son choix. Il commande le plat qui lui fait envie et dont il a connaissance du prix avant de le déguster.

    Il faudra toute de même attendre soixante-dix années pour que, dans l'édition de 1835 de son Dictionnaire, l'Académie officialise enfin le nouveau sens du mot "restaurant" comme "établissement du restaurateur".

     

     

    Biblio. « Made in France » - France-Loisirs Ed., 2011 et « Et Paris inventa la gastronomie ! » Le Parisien – Histoires de Paris, n°17 – Novembre 2021.

  • Hâ à la crème

    Avec ses 640 km de côtes, le littoral normand est un véritable vivier qui nous pourvoit généreusement en crustacés et en poissons. Des espèces connues comme les Bulots, coques, coquilles Saint-Jacques, étrilles, huîtres, moules, homards ou bien encore les tourteaux bars, soles, dorades, harengs, maquereau, cabillaud, barbues, turbot,.... ou moins connues comme le « Hâ » !

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    Aussi appelé « chien de mer », le  hâ  nous rappelle d'où nous venons. Son nom vient en effet du scandinave « har » signifiant « requin ». Le « hâ » est bien un petit requin totalement inoffensif pour l'homme. Présent sur les côtes de Basse-Normandie, il se déplace et se nourrit depuis les eaux de surface jusqu'à 800 mètres voire 1100 mètres de fond de coquillages, crustacés, harengs et sardines.

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    Pour vous, amis gourmands aux babines alléchées, une recette facile et délicieuse de hâ à la crème* :

    Pour 6 personnes, prévoir un morceau de hâ de 1,2 kg, 1 oignon, 1 bouquet garni, 1,5 litre d'eau, 1 verre de vin blanc, 1 filet de vinaigre, 10 pommes de terre moyennes, 50 cl de crème épaisse, 1 noix de beurre, 1 cuillère à soupe de persil haché, 6 rondelles de citron, du sel et du poivre.

    Préparer le court-bouillon. Dans une casserole, mettre l'oignon épluché et coupé en quatre, le bouquet garni, le vin, le vinaigre, du sel et du poivre. Ajouter l'eau. Porter à ébullition. Faire bouillir 30 minutes et filtrer. Laisser refroidir.

    Démarrer la cuisson du hâ dans le court-bouillon froid. Porter à ébullition puis baisser le feu. Cuire à feu doux 20 minutes.

    Peler les pommes de terre et les couper en quatre. Les cuire 15 minutes à l'eau bouillante salée.

    Réchauffer la crème avec le beurre. Saler et poivrer.

    Quand le hâ est cuit, le sortir avec une écumoire, retirer la peau et découper six morceaux. Les mettre dans un plat avec les pommes de terre égouttées. Rectifier l'assaisonnement.

    Napper le poisson et les pommes de terre de crème chaude. Servir avec du persil haché et des rondelles de citron.

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    Suggestion : Dans l'assiette, écraser les pommes de terre et le hâ pour une une « minchie » comme on dit en normand. Et rajouter une bonne cuillerée de crème.

     

    Bon appétit !

    * Recette de Martine Nouet dans « Cuisine Normande », édition Ouest-France, 2010.