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  • Comme une injure au talent...

    Figure de proue du mouvement impressionniste, le rédacteur de l'acte de décès de cette très grande dame de la peinture qui suscitait l'admiration et le respect de ses pairs, efface en seulement deux mots son immense carrière artistique. Un « sans profession »  qui sonne comme un véritable outrage !

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    Acte de décès – Archives de la Ville de Paris – V4E10016 – acte n°306 – vue 12/31

    Quand Berthe Morisot (1841-1895) et sa sœur ont commencé à peindre, le mépris pour les femmes peintres atteignait des sommets ! Pour preuve, ce qu'écrivait Edouard Manet (1832-1883), son futur beau-frère,  à Fantin-Latour (1836-1904) : « Je suis de votre avis, les demoiselles Morisot sont charmantes, c'est fâcheux qu'elles ne soient pas des hommes. Cependant, elles pourraient, comme femmes, servir la cause de la peinture en épousant chacune un académicien et en mettant la discorde dans le camp de ces gâteux. »

    Mais Berthe Morisot est une « rebelle » Avec sa volonté de rupture avec les traditions, la transcendance de ses modèles et surtout son immense talent, elle va devenir un des chefs de file de la nouvelle tendance impressionniste. Il faut dire qu'elle excelle dans tout : peinture, aquarelle, pastel et même la gravure.

    Son goût pour l'art pictural fut cultivé par sa mère, Marie-Joséphine-Cornélie Thomas, elle-même petite-nièce du peintre Jean Honoré Fragonard (1732-1806). Pour faire plaisir à son mari qui avait étudié l'architecture et qui était amateur d'art, et comme à cette époque l'École des beaux-arts n'était pas ouverte aux femmes, elle va offrir à deux de ses filles, Berthe et Edma (1839-1921), des leçons de peinture qui vont les mener à exposer pour la première fois leurs œuvre en 1864.

    Tournant le dos très vite à l'enseignement académique, Berthe Morisot fonde avec Claude Monet (1840-1926), Auguste Renoir (1841-1919), Alfred Sisley (1839-1899), Camille Pissarro (1830-1903) et Edgar Degas (1834-1917) le groupe d'avant-garde les « Artistes Anonymes Associés » lequel deviendra la « Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs » regroupant des impressionnistes. Au printemps de 1874, lors de leur Première exposition dans les Salons Nadar du boulevard parisien des Capucines, sur 29 exposants, elle sera la seule femme ! Elle y présentera néanmoins plusieurs tableaux, dont « Cache-cache ». 

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    Berthe Morisot. Cache-cache (1873) - Huile sur toile, 45 × 55 cm

    C'est l'été de la même année qu'en Normandie, à Fécamp (Seine-Maritime) où elle passe des vacances en famille, qu'elle va se lier à Eugène Manet (1833-1892), le frère puîné d'Édouard Manet. Il a quarante et un ans et aime peindre à ses côtés tout en la courtisant. Le 22 décembre suivant, elle l'épouse à la Mairie puis à l'église de Notre-Dame-de-Grâce de Passy. Leur fille Julie naîtra en 1878.

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    Eugène Manet, Berthe Morisot et leur fille Julie à Bougival en 1880

    Eugène Manet décédera à Paris le 13 avril 1892. Elle le rejoindra un peu moins de trois ans plus tard, le 2 mars 1895. Elle est enterrée dans le caveau des Manet au cimetière de Passy. Sur sa tombe est simplement gravé : « Berthe Morisot, veuve d'Eugène Manet ».

     

  • Trois normands auteurs de romans-feuilletons.

    En commun, ces trois-là avaient ce sens de la drôlerie qui plaisait tant à Alphonse Allais (1854-1905). Mais pas que ! Tous trois étaient normands. Tous trois étaient de la même génération. Tous trois étaient porteurs d'un patronyme « coloré » : Leblanc, Le Rouge, Leroux. Tous trois ont fait leurs armes dans le journalisme. Tous trois ont publié leurs premières œuvres dans la presse sous forme de feuilleton.

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     Maurice Leblanc (1864-1941), Gustave Lerouge (1867-1938), Gaston Leroux (1868-1927)

    A l'origine, le « feuilleton » est un terme technique utilisé dans le journalisme au XIXe siècle. Il désigne le bas des pages d’un journal, également appelé « rez-de-chaussée ». C’est sous le Consulat (1799-1804) que cette partie du journal prend de l’importance en abritant tout d’abord des critiques, puis des articles de littérature et de science. Les auteurs qui remplissent dès lors ces bas de page sont appelés « feuilletonistes ».

    Au début du XIXe siècle, la presse est en difficulté : les grands journaux, à tirage restreint, sont chers et donc se vendent mal. Grâce aux politiques de libéralisation entamées à partir du Second Empire (1851-1870), les choses vont progressivement évoluer. En 1836, Émile de Girardin (1802-1881) révolutionne le marché en lançant un nouveau grand quotidien populaire français qu'il baptise « La Presse » et qui repose sur deux concepts novateurs. Pour réduire les coûts de parution, les pages sont ouvertes aux « annonces », l'équivalent de nos publicités actuelles. Et pour attirer les annonceurs, il introduit le « feuilleton-roman », c'est-à-dire la publication par épisodes d'un roman dans le « feuilleton » du quotidien.

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    Et c'est bien vu ! Le public y prend goût et se fidélise. Ainsi, entre 1836 et 1845, la plupart des journaux voient leur tirage doubler. Résultat : les annonceurs, garantis d'un bon retour sur investissement, se multiplient faisant ainsi baisser de moitié le coût de l'abonnement. Rebaptisé « roman-feuilleton », le procédé se généralise. Ayant bien saisi l'effet de fidélisation que leur valent ces publications, les grands journaux de l’époque n'hésitent pas dès lors à faire appel aux plus belles plumes de l'époque comme Honoré de Balzac (1799-1850), Alexandre Dumas (1802-1870) ou George Sand (1804-876). Le premier véritable triomphe du roman français paru en feuilleton, « Les Mystères de Paris » d'Eugène Sue (1804-1857), est publié entre 1841-1843 dans le « Journal des débats ».

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    Face à cette élite, arrive une nouvelle génération d'hommes de lettres. Issus bien souvent du journalisme, tous candidats à une carrière littéraire, ils vont faire de la presse leur mode de publication ordinaire et l'utiliser comme instance de légitimation. Cette « bohème médiatique » insuffle un ton plus moderne, plus insolent, plus artiste aussi. D'une part, elle impose un traitement des faits sociaux en liaison avec les modes et les nouvelles pratiques urbaines mais aussi un style neuf mettant au centre de l'écriture l’esprit parisien et la malice.

    En 1903, Gaston Leroux publie dans « Le Matin », son premier feuilleton « Le Chercheur de trésors », lequel sera édité l'année suivante sous le titre « La Double Vie de Théophraste Longuet ». La première aventure de Rouletabille, « Le Mystère de la chambre jaune » paraîtra quant à lui en feuilleton dans « L'Illustration » en 1907. La même année, Maurice Leblanc (1864-1941) publie dans le journal « L'Auto » une courte nouvelle intitulée « Un Gentleman », dont le « héros-escroc » n'est autre que la première esquisse de son génial « Arsène Lupin ». Enfin, en 1908, c'est au tour de Gustave Le Rouge (1867-1938) de publier dans la presse quotidienne sous forme de roman-feuilleton son livre « Le Mystérieux Docteur Cornélius », considéré aujourd'hui comme son œuvre principale.

  • L'histoire d'un trésor de notre patrimoine musical...

    Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
    Tu vois je n'ai pas oublié.
    Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
    Les souvenirs et les regrets aussi...

     

    Curieusement, malgré une paternité des plus prestigieuses, Joseph Kosma (1905-1969) pour la musique et Jacques Prévert (1900-1977) pour les paroles, ça n'a pas marché tout de suite pour ce titre pourtant aujourd'hui un très grand classique de la chanson française !

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    Chanson de film et non musique de film, « Les feuilles mortes » a été écrite pour « Les Portes de la Nuit » un long-métrage sorti le 3 décembre 1946. Ce film, c'est l'adaptation du ballet « Le Rendez-vous » écrit par Jacques Prévert et mis en scène par Roland Petit (1924-2011) en 1945. Un an plus tard, le réalisateur Marcel Carné (1906-1996) décide de le transposer au cinéma et prévoit d'en confier les rôles principaux à deux stars du moment : Marlène Dietrich (1901-1992) et Jean Gabin (1904-1976), lesquels, venant de se séparer, les refuseront. En remplacement, il choisit deux acteurs qui sont loin d'avoir la notoriété de leurs aînés : Nathalie Nattier (1924-2010) et Yves Montand (1921-1991) dont c'est le second film et le premier dans un rôle principal.

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    Cette dernière réalisation du tandem Prévert-carné à qui l'on doit notamment « Drôle de drame » et « Les enfants du Paradis », est un échec commercial. Il faut dire qu'en ces lendemains de guerre, le sujet traité, l'amour entre un jeune résistant et la femme d'un collaborateur, est particulièrement délicat. Toutefois, comme toute les chansons de film, « Les feuilles mortes » va avoir une magnifique carrière indépendante de son support cinématographique.

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    Si Cora Vaucaire (1918-2011), Juliette Gréco (1927-2020) ou bien encore Jacqueline François (1922-2009) interprètent "Les feuilles mortes" dans les cabarets parisiens de la rive Gauche, c'est à Yves Montand que la chanson doit un succès qui ne viendra pourtant que quatre ans plus tard. Le chanteur qui, dans le film, se contente de la fredonner sur un air joué à l’Harmonica, va l'inscrire à son tour de chants, persuadé que ça ne peut que marcher ! Hélas, malgré ses efforts, « ça n'accroche pas vraiment ». En 1949, il réussit malgré tout à convaincre sa maison de disques de le laisser l'enregistrer. Sa persévérance finira par payer à partir de 1953 ! La chanson est traduite en anglais sous le titre « Autumn leaves » et devient très vite un standard du jazz appelé à faire le tour du monde et une chanson qui sera reprises par la suite par les plus grands artistes de variétés, mais aussi par de célèbres interprètes classiques et lyriques. On compte aujourd'hui plus de 600 interprétations différentes mais curieusement pas une seule de Marlène Dietrich ! Il se dit que, Prévert, rancunier, s'y serait opposé...

    La veuve du compositeur, Lily Kosma, a fait don à la ville de Nice des droits de la chanson, sous réserve qu'une rue de la ville porte le nom de son époux. Cette rue se trouve dans quartier des musiciens de la ville.

     

    Biblio. : « Florilège de la chanson française » de J.-Cl. Klein, Ed. France-Loisir,s, 1990 ; « Y'a d'la Frane en chansons » de P. Saka, J.-P. Germonville et F. Perrault – Ed. France-Loisirs,2001.