Il avait l'habitude de peindre vraiment ce qu'il voyait et ne trichait pas. Le peintre Claude Monet (1840-1926) disait à ses élèves : " Quand vous sortez pour peindre, essayez d'oublier quels objets vous avez devant vous, un arbre, une maison, un champ ou quoi que ce soit. Pensez seulement ceci: voici un petit carré de bleu, de rose, un ovale de vert, une raie de jaune, et peignez les exactement comme ils vous apparaissent, couleurs et formes exactes, jusqu'à ce qu'ils vous donnent votre impression naïve de la scène qui se trouve devant vous."
Claude Monet et son épouse Alice Place Saint-Marc à Venise - Automne 1908
Les premiers signes de la maladie sont visibles dès l'automne 1908 dans les toiles qu'il ramène de son unique voyage à Venise. Pourtant, le diagnostic ne tombera qu'en 1912 : Monet est atteint de la cataracte. Très vite pour le peintre la gène s'accentue. Les couleurs perdent leur intensité, les détails s'estompent...
Venise, Le palais des Doges - Claude MONET (1908)
Alors, pour travailler, il s'organise, range ses tubes de couleurs toujours au même endroit afin de ne pas se tromper. Il compose à l'aveugle en forçant sur les bleus qu'il n'arrive plus à distinguer.
Bien sûr, une opération serait nécessaire ! Mais il a peur, peur de finir comme l'artiste plasticien Honoré Daumier (1808-1879), devenu aveugle après une chirurgie des yeux. Après de longues tergiversations, son ami Georges Clemenceau (1841-1929) pour qui Monet était « un œil » qui va réussir à le convaincre. Il est grand temps ! L'examen ophtalmique du 7 septembre 1922 révèle que la vision de l'artiste est quasi nulle à droite et de seulement 1/10e à gauche.
L'opération de l'œil droit pratiquée par le docteur et chirurgien en ophtalmologie Charles Coutela (1876-1969) a lieu dans une clinique de Neuilly le 10 janvier 1923. Monet a 83 ans. Le chirurgien écrit à Clemenceau : “ La vision de près peut être considérée comme à peu près parfaite après correction. Pour la vision de loin, le résultat est moins extraordinaire : Monsieur Monet a 3 à 4/10ème, ce qui n'est pas mauvais... mais il lui faudra un certain entraînement, car pour la vision de loin, il sera plus ou moins gêné. Bref je suis très satisfait, d'autant que les péripéties ont été nombreuses. ”
Il refusera catégoriquement l'opération de son Neil gauche et se contera de porter des verres opaques. Dès lors, les troubles visuels vont s'accroître et modifier son sens des formes et des couleurs.
« Le pont japonais » - Claude MONET (1920-1922)
Dans son paradis normand de Giverny, durant les trois années qui lui restent à vivre, il dira voir le monde « comme un enfant qui vient de naître, en ne percevant que des lignes, des formes et des couleurs ». Ses dernières toile annoncent l'art surréaliste et abstrait.