A lui seul, ce tableau résume et synthétise la vie quotidienne rurale à la fin du XIXe siècle en Normandie. Son auteur, Jean François Millet (1814-1875), né à Gruchy, hameau de Gréville-Hague (Manche), la connaît bien cette vie là. Aîné de neuf enfants d'un couple de paysans, berger dans son enfance et plus tard laboureur, il a travaillé à la ferme familiale jusqu'en 1834.
L'Angélus - Toile de Jean-François Millet (1857-1859) - Musée d'Orsay - Paris
Pour réaliser son "Angélus", entre 1857 et 1859, Millet s'est inspiré de son enfance paysanne : « L'Angélus est un tableau que j'ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l'angélus pour ces pauvres morts.»
Jean François Millet (1814-1875)
Au centre, un couple de paysans aux champs. Pétris de religion comme l'étaient tous leurs semblables, en plein travail, ils posent leurs outils et se mettent à réciter trois "Ave Maria" car, au loin, comme chaque jour à raison de trois fois par jour, à six heures, à midi et à dix-huit heures, les cloches de l'église du village viennent de sonner l'invitation à la prière de l’Angélus. La pratique remonte au Concile de Clermont (1095) et a été officialisée le 16 janvier 1476 par le Pape Sixte IV (1414-1484).
Salvador Dali (1904-1989)
Salvador Dali (1904-1989), peintre surréaliste, était fasciné par ce tableau ! A tel point qu'il lui a consacré en 1963 un livre intitulé "le Mythe tragique de l’Angélus de Millet ". Pour lui, les paysans n'étaient pas simplement en prière mais se recueillaient devant le cercueil d'un enfant. Il était persuadé que cette image avait été jugée par trop "dérangeante" et que, pour la cacher, Millet l'avait recouverte d'un banal panier de pommes de terre. Sur son insistance, en 1963, le Louvre a fait radiographier le tableau. Et, à la place du panier de légumes, il y a bien un caisson noir de la taille d'un cercueil d'enfant...
Selon les calculs du docteur Bertillon (1851-1922), statisticien et démographe, le taux de mortalité infantile en France dans les années 1860 est de 22 %. Mais les variations régionales sont importantes. Le maximum est atteint en Seine-Inférieure (31 %) et en Eure-et-Loir (37 %). Pour les enfants illégitimes, les taux de mortalité sont ahurissants. Sous le Second Empire, la moyenne nationale est de 50 %, avec des pics à 90 % dans certains départements comme la Loire-Inférieure ou la Seine-Inférieure.