Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Les limonades de Voltaire ou comment "l'espérance de guérir est déjà la moitié de la guérison"

    30 mai 1778 à Paris, quai de Théatins (aujourd'hui Quai Voltaire). À l'angle de la rue de Beaune. Hôtel du marquis Charles de Villette (1736-1793). Dans une chambre du deuxième étage sur cour, s'éteint l'écrivain et philosophe Voltaire. Il a 83 ans, un âge très avancé pour l’époque.

    voltaire hotel de villette.jpg

    Hôtel parisien du marquis Charles de Villette où décéda Volatire

    Si, de santé fragile, l'homme a enduré toute de sa vie de nombreuses maladies récurrentes, la posture du « savant souffreteux » lui convenait parfaitement. Il répétait à l'envi être au bord de la mort et prêt à rendre son dernier soupir. Rien ne lui faisait plus plaisir que d'entendre ses amis s'effrayer de sa maigreur, s'alarmer de sa faiblesse, le penser plus âgé et plus dégradé qu'il n'était. Même qu'un jour en société, pour attirer la compassion, il se mit à énumérer les 42 pathologies dont il était atteint !

    Évidemment, il se montrait aussi à l'affût de tous les remèdes nouveaux, n'hésitant pas à ingurgiter une quantité inimaginable de médicaments.

    voltaire portrait.jpg

    Portrait de Francois Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) par Quentin De La Tour (1736)

    La pathologie la plus sérieuse dont il fut victime, il n'avait alors que 29 ans, fut la variole. En cette année de 1723, elle fit pas moins de 14 000 morts dans la capitale, n'épargnant aucune classe sociale. On sait tout de cette épisode de la vie du grand homme grâce à dans une lettre qu'il a adressée à Louis-Nicolas Le Tonnellier de Breteuil-Preuilly (1648-1728). Il y décrit sa maladie, le traitement qu'il a subi et sa guérison miraculeuse :

    « Je vais vous obéir, monsieur, en vous rendant un compte fidèle de la petite vérole dont je sors, de la manière étonnante dont j’ai été traité. (...) Cette maladie parut après deux jours de fièvre, et s'annonça par une légère irruption. Je me fis saigner (…) Soigné par le médecin de Monsieur le cardinal de Rohan (lequel lui infligea en outre une quantité de saignées et de purges), il me fit boire deux cents pintes de limonade. Cette conduite, qui vous semblera extraordinaire, était la seule qui pouvait me sauver la vie ; toute autre route me conduisait à une mort infaillible, et je suis persuadé que la plupart de ceux qui sont morts de cette redoutable maladie vivraient encore s'ils avaient été traités comme moi. »

    Et de poursuivre, convaincu que les cent litres de limonade qu'il avait bus, une boisson à base de citron, riche en vitamine C et réputée pour ses vertus antivirales, l'avaient guéri mieux que les médecins de son temps : « Cela fait voir démonstrativement que tous ces charlatans dont Paris abonde, et qui donnent le même remède (je ne dis pas pour toutes les maladies, mais toujours pour la même), sont des empoisonneurs qu'il faudrait punir. »

    VOLTAIRE 03.png

    Voltaire ressortira de cette terrible épreuve convaincu de l’intérêt de l’inoculation, ancêtre des vaccins et combat des Lumières. Celui contre la variole fut découvert en 1796 par le médecin britannique Edward Jenner (1749-1823) .

  • Quel drôle de couvre-chef sur la tête des Normands d'hier  !

    Ce qui est étonnant, ce n'est pas que la « Trois ponts », appelée aussi la « Desfoux » ou la « Deffe » , soit un peu l'Everest des casquettes. Non ! Ce qui est étonnant, c'est que les Normands se soient entichés de ce gratte-ciel, au point de détrôner de dessus leur tête le traditionnel bonnet de coton hérité de leurs ancêtres ?

    Casquette_à_pont_normande 01.jpg

    Bien sûr, c'est un couvre-chef qui donne un genre, mais à vrai dire, plutôt un mauvais genre ! Car il n'a que triste réputation ! Emblème de la pègre des faubourgs parisiens, on le trouve sur la tête de tous les marlous, maquereaux, proxénètes et autres souteneurs de ce début de la Belle Époque !

    casquelle a trois ponts 01.jpg

    La chapellerie Desfoux vers 1865, détail d’une photographie de Charles Marville

    Pourtant à sa naissance, en 1870, sous la Troisième République, des mains du chapelier parisien Antoine Desfoux établi au n° 7 de la rue de la Monnaie, au débouché du Pont-Neuf, ce n'est qu'une innocente casquette de travailleurs. Une casquette de soie noire, souple et surélevée, coiffée d’une calotte relativement épaisse et bouffante qui lui donne une forme évasée à son sommet. Elle est munie d’une visière de cuir arrondie et abaissée sur le front. Ce qui fait sa particularité, c'est sa hauteur ! Entre 20 à 50 centimètres tout de même ! D'ailleurs, on la surnomme « casquette trois ponts » à l'image des trois ponts superposés d'un bateau !

    casquette a trois ponts 02.jpg

    A l'origine, le chapelier la destine à ses clients : les laitiers, bouchers, artisans et autres employés du marché aux bestiaux et des abattoirs de la Villette. Et ce sont justement les toucheurs et les maquignons, acheteurs de bestiaux circulant en Normandie, qui vont répandre la « Tripontée » dans nos campagnes. Nos paysans sont tout de suite séduits par cette coiffure du dernier chic, laquelle, ils n'en doutent pas, va leur donner fière allure ! Comme le raconte en 1885 dans sa nouvelle « La Bête à Maît' Belhomme » Guy de Maupassant (1850-1893) « Tous portaient la blouse bleue par-dessus d’antiques et singulières vestes de drap noir ou verdâtre, vêtements de cérémonie qu’ils découvriraient dans les rues du Havre ; et leurs chefs étaient coiffés de casquettes de soie, hautes comme des tours, suprême élégance dans la campagne normande. »  

    La "Trois ponts" sera couramment portée dans la campagne normande jusqu'au début du XXe siècle.

  • Anne de Kiev, reine des Francs

    Le Prince Philip d'Edimbourg (1921-2021), Felipe VI, les actuels roi d'Espagne Felipe VI et roi des Belges, Philippe, doivent leur prénom à leur ancêtre commune, la Reine des Francs, Anne de Kiev (1024/1032-1075/1089).

    anne de kiev 00.jpg

    Représentation présumée d'Anne de Kiev dans une fresque dépeignant les filles (ou les fils ?)

    du grand-prince Iaroslav de Kiev - Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev - XIe siècle

    Il y a mille ans, cette jeune princesse d'environ 25 ans a parcouru plus de 2200 kilomètres, traversé l'Europe entière, pour épouser le 19 mai 1051 à Reims (marne) le petit-fils d'Hugues Capet (939/941-996), roi des Francs, Henri Ier (1008-1060). De vingt ans son aîné, il est veuf de Mathilde de Frise (1024-1044) et sans héritier. C'est ainsi qu'Anne de Kiev va tisser le premier lien historique entre la France et le monde des Slaves orientaux.

    ANNE DE KIEV.jpg

    Échange de consentements entre Anne et le roi Henri Ier. Enluminure ornant les Chroniques de France ou de Saint-Denis (1332-1350 )

    Elle appartient à l'une des plus prestigieuses familles de son temps. Son père est le grand-prince chrétien de Kiev, Iaroslav le sage (978-1054) dont les enfants en âge de se marier ont fait de « beaux mariages ». L'un de ses fils a épousé la fille d'Harold d'Angleterre (1022-1066) qui sera battu par le normand Guillaume le Conquérant (1027/1028-1087) à Hastings. L'une de ses filles est reine de Norvège et une autre, reine de Hongrie. Ces Slaves d'Orient sont sous l'influence culturelle des Byzantins depuis leur récente christianisation, une conversion diffusée depuis Constantinople. Au XIème siècle, la riche ville de Kiev située sur la route commerciale entre l'Orient et l'Occident, est dix fois plus peuplée que Londres ou Paris. Capitale d’un état slave, nommé la Rus' de Kiev ou Ruthénie, elle est considérée comme la deuxième plus belle ville du monde après Byzance.

    anne de kiev sign.jpg

    Signature en cyrillique d'Anne de Kiev

    On connaît peu de choses sur Anne de Kiev. Ni son visage, ni sa date de naissance, pas même la date de sa mort ni le lieu où elle a été ensevelie. Seules preuves de son existence aujourd'hui,  sa signature en cyrillique au bas d'une charte et l'Abbaye St-Vincent de Senlis qu'elle a fondée en 106. On lui doit aussi l'introduction du prénom Philippe, issu de la culture grecque ou byzantine et totalement inconnu à l'époque en Europe de l'Ouest, un prénom qu'elle a choisi pour son fils aîné, lequel règnera en qualité de Philippe Ier (1052-1108)et sera l'ancêtre de tous les rois de France jusqu'à Louis-Philippe (1773-1850).